La lutte intégrée, pivot des plans d’action pour déjouer les impasses phytosanitaires

Alors que le catalogue de substances actives est inexorablement voué à se restreindre, le ministère de l’Agriculture décrète avec le PARSADA la mobilisation des filières et l’accélération de la recherche et du déploiement des alternatives, plébiscitant les techniques de lutte intégrée.

En 2009, lors de l’entrée en vigueur du règlement (CE) 1107/2009 relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques au sein de l’UE, le nombre de substances actives approuvées s’établissait à 536. En 2022, il tombait à 234 et selon les projections de l’étude « Produits chimiques phytopharmaceutiques de l’UE en 2023 : état actuel et perspectives », publiée en février 2023 par un chercheur de l’Itab dans la revue Agrochemicals, il n’en restera que 115 d’ici à 2033, au rythme actuel de non-renouvellement.

Une prévision corroborée par la division agro de BASF France en novembre dernier, à l’occasion d’une conférence de presse. « Il n’y a aucune solution miracle à attendre dans les dix ans à venir en alternative aux produits conventionnels, déclarait son directeur général Jean-Jacques Pons. Il est urgent de mettre en place des approches combinatoires pour répondre aux enjeux d’efficacité, de productivité mais aussi aux enjeux environnementaux si l’on veut répondre aux enjeux agroécologiques, climatiques et de souveraineté alimentaire ».

Faire le deuil de la logique « un problème, une solution »

Lutte combinatoire, lutte intégrée, écologique fonctionnelle : quelle que soit la terminologie, la lutte contre les bioagresseurs des cultures doit faire le deuil d’une formule un peu magique qui a prévalu pendant des décennies. « Une logique "un problème, une solution" s’est installée, et il est réellement malaisé d’en sortir, pointait le CGAAER dans un rapport consacré au retrait du phosmet, insecticide pivot du colza (et des cerises). Les solutions chimiques sont très efficaces, très régulières dans leurs résultats, simples d’emploi et relativement peu coûteuses. Les méthodes alternatives sont souvent d’une efficacité moyenne, variable selon des facteurs peu connus, complexes à insérer dans les itinéraires techniques et nettement plus chères que les produits de synthèse ».

En mai dernier, le ministère de l’Agriculture officialisait le lancement du Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait de substances actives au niveau européen et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (PARSADA). Son sous-titre dit beaucoup du nouveau paradigme à construire : « Une nouvelle approche des techniques de lutte intégrée contre les bioagresseurs des cultures, basée sur l’anticipation, l’investissement et le déploiement de techniques alternatives innovantes ». Outre le plan de sortie du phosmet, le PARSADA s’est inspiré du Plan national de recherche et d’innovation (PNRI) consécutif au retrait des néonicotinoïdes en traitement de semences de betteraves.

Appel à manifestation d’intérêt

Le PARSADA va désormais entrer dans sa phase opérationnelle après la tenue, le 18 décembre, de la 3ème réunion du Comité interfilières pour la protection des cultures. « Ces plans ont été élaborés à partir des diagnostics faits dans chacune des filières, précise le communiqué du ministère de l’Agriculture. Ils dessinent les actions prioritaires à mener dans les prochains mois. C’est sur la base de ces plans d’action que vont être mis au point des projets concrets permettant de travailler à la mise au point de solutions opérationnelles pour élargir la palette des solutions offertes aux producteurs pour lutter contre les bioagresseurs et les adventices dans les cultures ».

Concrètement, la mise en œuvre du PARSADA se formalise par le lancement d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) national. Les candidats (organismes de recherche, instituts techniques, Chambres d’agriculture entreprises privées...) doivent cibler les problématiques identifiées dans les plans d’actions établis pour les différentes filières végétales, en privilégiant, si possible, la réponse aux axes et actions suivants : la connaissance des bioagresseurs et des auxiliaires, les solutions à l'échelle de la plante (méthodes agronomiques, physiques, génétiques, lutte biologique, biocontrôle, piégeage massif, technique de l’insecte stérile, l’agriculture de précision...),  les solutions à l'échelle de parcelle et du paysage (plantes de service attractives et répulsives, allélopathie,  mosaïque paysagère, aménagement du territoire...) et enfin le transfert et le déploiement auprès des agriculteurs (levée des obstacles socio-économiques, mise au point d’outils de transfert...).

Au titre de la planification écologique, le PARSADA est doté de 146 millions de crédits d’engagement en 2024.

PARSADA : les filières et les bioagresseurs cibles

- grandes cultures : gestion des graminées-adventices dans les rotations

- semences et plants : lutte contre les ravageurs coléoptères

- vigne : mildiou et black rot

- horticulture : gestion des adventices et des thrips

- fruits et légumes frais : gestion des adventices, gestion de Drosophila suzukii sur cerise ;

- fruits et légumes transformés : gestion de l’enherbement et des lépidoptères

- plantes à parfum, aromatiques, médicinales et condimentaires : gestion des adventices

- banane : cercosporiose noire

- fruits et légumes ultra-marins : gestion des ravageurs

- agriculture biologique : gestion des maladies fongiques

- canne à sucre : gestion des adventices