La pluie revient en force après un hiver particulièrement doux et sec

Après un hiver 2022-2023 marqué par une exceptionnelle douceur et une non moins exceptionnelle sécheresse, les précipitations tant attendues sont de retour. Pas de quoi cependant recharger les sols les plus profonds et les nappes phréatiques. Le point avec Nicolas Le Friant, météorologue.

Février 2023 a été marqué par une absence de pluie record. Quel bilan peut-on tirer de ce mois ?

Nicolas Le Friant : Contrairement aux mois de décembre 2022 et de janvier 2023, où des vagues de douceurs exceptionnelles ont été relevées, ce mois de février 2023 n’a pas été marqué par une importante douceur (excédent de 0,9°C en moyenne) mais par un état de sécheresse s’aggravant. En effet, entre le 21 janvier et le 21 février, soit 32 jours consécutifs, la France a vécu la période la plus sèche (cumuls journaliers à moins d’1 mm) jamais observée depuis le début des relevés climatologiques en 1959.

Finalement, le déficit pluviométrique, à l’échelle de la France, atteint un chiffre remarquable de 75%, se plaçant à la 4ème place des mois de février les plus secs. Tout le territoire est concerné par cet important déficit atteignant le chiffre marquant de 100% à Melun notamment mais également de 96% à Paris, 93% à Lyon, 86% à Caen, 83% à Lille ou encore 81% à Brest, 79% à Nice et 76% à Toulouse. Les deux épisodes pluvieux de la dernière décade ont « un peu » fait baisser ce déficit notamment en Aquitaine (déficit de 20% à Bordeaux) ainsi qu’en Corse (déficit de 17% à Bastia).

"Il manque 25% de précipitations en moyenne sur l’ensemble de nos régions"

Le bilan, que nous pouvons tirer, est que ce mois de février est le 13ème mois consécutif avec des températures moyennes situées au-dessus des normales climatiques mais aussi et surtout avec la persistance et même l’accentuation de la situation de sécheresse, qui a débuté depuis l’été 2021. Depuis cette date, il manque 25% de précipitations en moyenne sur l’ensemble de nos régions.

Quel est plus globalement le bilan de l’hiver 2022-2023 en termes de pluviométrie, de températures et d’ensoleillement ?

Nicolas Le Friant : A contrario des nombreuses fausses rumeurs circulant sur les réseaux sociaux et autres médias, cet hiver 2022/2023 n’est pas le plus sec depuis 1959, même si le déficit est assez conséquent et donc problématique au niveau de la sécheresse. Le déficit est tout de même proche de 25%, étant plus marqué sur les régions septentrionales que sur celles du sud. L’hiver le plus sec reste, et de loin, celui de 1988/1989.

Cet hiver 2022/2023 fut très contrasté, alternant les périodes froides et d’autres très douces, notamment entre le 20 décembre et la première quinzaine du mois de janvier. Résultat, nous terminons cet hiver avec un excédent de 0,8°C, ce qui est dans la moyenne des 15 dernières années. Nous sommes donc très loin de l’hiver 2019/2020 qui avait affiché un excédent de 2,7°C et qui reste l’hiver le plus doux jamais enregistré en France !

Pour terminer, après un mois de décembre et janvier souvent ternes, ce mois de février fut nettement plus lumineux avec un excédent de 33%. Résultat, nous terminons cet hiver dans les normales car la récurrence anticyclonique favorise soit la persistance d’un ciel couvert et gris, soit un soleil resplendissant.

Au cours de cet hiver météorologique 2022/2023 (du 1er décembre 2022 au 28 février 2023), nous retiendrons donc principalement l’exceptionnelle douceur entre le 20 décembre au 15 janvier avec de très nombreux records de mensuels de douceur ; et la non moins exceptionnelle sécheresse hivernale à partir du 21 janvier au 21 février.

Quelle est actuellement la situation de l’état des sols ?

Nicolas Le Friant : Le premier constat que nous pouvons faire est que les sols sont de plus en plus secs d’année en année, de plus en plus tôt dans l’année civile. La faute à des hivers de plus en plus doux et globalement secs avec une très importante récurrence des anticyclones au-dessus de la France. Pour rappel, la saison hivernale est celle où « normalement » les précipitations sont les plus fréquentes et en raison de l’absence d’une importante végétation de surface (en sommeil), ces eaux s’infiltrent dans les sols pour atteindre finalement les nappes phréatiques.

Après une année 2022 exceptionnellement sèche, le mois de janvier 2023 pouvait laisser de l’espoir avec une pluviométrie normale. Néanmoins, au cours de ce mois de février, la situation s’est très nettement dégradée avec une sècheresse très rarement observée, même en été ! Comme le montre la carte ci-dessous, les sols sont très nettement plus secs qu’en février 2022, alors déjà bien sec, et la comparaison avec février 2021 est sans appel car la situation était tout à fait normale. La conséquence est un assèchement des sols très préoccupant et trop tôt dans l’année puisqu’il se produit généralement entre les mois de mars et avril. A l’heure actuelle (au 7 mars) cet assèchement a presque deux mois d’avance !

Source : https://atmosphere.copernicus.eu

Et qu’en est-il des nappes phréatiques ?

Nicolas Le Friant : Par effet domino, l’état des nappes phréatiques s’est donc lui aussi dégradé, en étant déjà pas très brillant début janvier. Si nous regardons en détail la situation département par département, il est clairement acquis qu’elle est problématique surtout si les prochaines saisons (printemps et été) sont aussi sèches que celles de l’année 2022. La majorité des nappes connait des niveaux bas et même très bas, comme nous pouvons fort bien le constater sur le graphique ci-dessus avec la comparaison avec janvier 2022.

Source : https://www.brgm.fr

Quelles sont les prévisions pour la suite de ce mois de mars ?

Nicolas Le Friant : Dès mardi 7 mars, le contexte météorologique est enfin très favorable à la mise en place, et de façon durable, à un flux perturbé océanique dans lequel vont circuler de très nombreuses perturbations pluvieuses. Dans le même temps, le courant-jet va nettement se renforcer, ce qui aura comme conséquence d’éventuels forts coups de vent.

Au cours des 10 prochains jours, nous prévoyons une moyenne de 50 à 90 mm de précipitations (cela représente de 15 jours à 1 mois de précipitations) sur la plupart de nos régions en plaine (plus de 100 à 150 mm sur les reliefs du Massif-Central, des Alpes du Nord, du Jura et des Vosges). Il y en aura un peu moins (10 à 30 mm) vers le sud de l’Aquitaine et du Midi-Pyrénées et très peu (0 à 5 mm) sur les régions bordant la Méditerranée, comme souvent dans ce genre de configuration synoptique.

En résumé, les précipitations reviennent donc en quantité en France à compter de ce mardi 7 mars 2023, ce qui va permettre de bien humidifier les sols et donc d’atténuer la sécheresse dite agricole (les premiers 40 cm des sols). Néanmoins, ces précipitations ne suffiront pas pour recharger les sols les plus profonds et notamment les nappes phréatiques !

Anomalies des températures et des précipitations prévues par le modèle européen (ECMWF) entre le 6 et le 20 mars 2023 (Source : https://www.ecmwf.int/)