Le déclin des oiseaux spécialistes du milieu agricole se confirme

Entre 1989 et 2019, l’abondance des oiseaux spécialistes des milieux agricoles comme des milieux urbains a décliné de près de 30%, selon un bilan publié par la LPO, le Muséum national d’Histoire naturelle et l’OFB.

Le programme de Suivi temporel des oiseaux communs (Stoc) recense depuis 1989 l’avifaune française selon un protocole répété chaque année par un réseau d’ornithologues bénévoles répartis sur tout le territoire. Publié le 31 mai, un bilan sur 30 ans montre des évolutions contrastées : 32 espèces sont en expansion, comme le Rouge-queue à front blanc ou la Fauvette à tête noire, mais 43 régressent, telles que le Chardonneret élégant, la Tourterelle des bois ou l’Hirondelle de fenêtre.

La chute la plus importante concerne les oiseaux spécialises des milieux agricoles, telles que l’Alouette des champs et les perdrix, qui ont perdu près du tiers de leurs effectifs en 30 ans. « Cette forte disparition est concomitante de l’intensification des pratiques agricoles ces dernières décennies, plus particulièrement depuis 2008-2009 », pointe le rapport. Une période qui correspond entre autres « à la généralisation des néonicotinoïdes » et « à la fin des jachères imposées par la politique agricole commune ».

75 espèces sont utilisées pour construire les indicateurs en fonction de leur milieu de spécialisation, explique le rapport de suivi des oiseaux communs en France.

Les oiseaux spécialistes du milieu urbain subissent un déclin similaire (-27,6%). « Les raisons sont encore mal expliquées, et certainement multiples : diminution des ressources alimentaires, notamment des insectes, comme dans les milieux agricoles, même si, depuis quelques années, les pesticides ne sont plus utilisés dans les espaces verts urbains ; diminution des sites propices à la nidification (perte de cavités due au ravalement des bâtiments et à l’abattage des vieux arbres, nettoyage des façades favorables aux hirondelles) ; pollution », indique le rapport.

Les spécialistes forestiers sont un peu plus stables (-10%). Ce résultat peut être mis en relation avec l’augmentation du couvert boisé sur l’ensemble du territoire.

Davantage d'espèces généralistes

Enfin, les espèces généralistes, après une phase d’expansion jusqu’au milieu des années 2000, où elles ont pris la place des spécialistes déclinant, semblent maintenant marquer le pas. Cette stagnation récente masque des situations contrastées selon les espèces. Par exemple, la Fauvette à tête noire est en augmentation (+30% en 19 ans), tandis que l’Accenteur mouchet est en déclin (-27% sur la même période).

Seuls quelques oiseaux capables de s’adapter connaissent une progression démographique, comme le Pigeon ramier, le Geai des chênes ou la Mésange bleue. « Hélas, ce phénomène d’accroissement des espèces dites « généralistes » au détriment des « spécialistes » révèle en fait une uniformisation de la faune sauvage, signe d’une banalisation croissante des habitats et d’une perte de biodiversité », pointe la Ligue de protection des oiseaux (LPO).

L'impact du réchauffement climatique est également perceptible : il a par exemple été démontré que certaines populations d'oiseaux se décalent vers le nord pour tenter de rester dans des zones où la température leur convient.

A l’origine de plus d’une centaine de publications scientifiques internationales, le Stoc permet aussi d’orienter et d’évaluer les politiques publiques en matière de conservation de la biodiversité. « Ces analyses ont par exemple confirmé l’efficacité des réserves naturelles où les populations d’oiseaux se portent mieux qu’en dehors, et démontré l’intérêt des aides financières conditionnées "scénarios verts" qui doivent être développées dans le projet de la nouvelle Politique Agricole Commune », commente la LPO.