Le ticket de caisse, le chèque alimentaire et le bulletin de vote

Le sort réservé à ces trois morceaux de papier est en partie lié. Le premier est promis à disparaître et le second n’est pas encore né. Et il appartiendra au troisième d’en décider.

[Edito] Alors que l’envolée des prix à la consommation a relégué au second plan, au moins partiellement, les relents nationalistes de la campagne présidentielle, le ticket de caisse, marqueur de nos achats et de notre quotidien, s’apprête lui aussi à s’envoler. En vertu de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, le ticket de caisse imprimé ne sera plus délivré à compter du 1er janvier 2023, sauf demande expresse des clients. L’opération est dénoncée cette semaine par des associations de consommateurs, qui y voient une atteinte à leurs droits, sous couvert d’une « dématérialisation à marche forcée » et d’un « prétendu bénéfice environnemental ».

0% de TVA sur 100 produits essentiels...

Si les comptes internet et autres cartes de fidélité permettront de conserver, pour des siècles, la trace de nos achats, c’en est fini du petit coup d’œil furtif en sortie de caisse. Sur les prix bien sûr et accessoirement sur les taux de TVA. La TVA, c’est précisément le bouclier tarifaire que compte activer Marine Le Pen, candidate à la présidence de la République, en la supprimant sur 100 produits essentiels, alimentaires et d’hygiène, « tant que l’inflation est supérieure d’un point à la croissance », a-t-elle affirmé lors du débat de l’entre-deux tours. Actuellement, le taux de 5,5% s’applique sur la plupart des produits alimentaires bruts et cuisinés (œufs, viandes, poissons, crustacés, fruits de mer, légumes, fruits, beurre...), ainsi que sur les protections périodiques, contre 20% sur les autres produits d’hygiène et sur les confiseries, le chocolat, la margarine, les alcools ou encore le caviar. Si Marine Le Pen est élue et si elle n’abroge pas la loi, le taux zéro ne tapera pas à l’œil sur feu le ticket de caisse, et pas beaucoup moins au porte-monnaie, selon son adversaire.

... contre un chèque alimentaire

En guise de bouclier tarifaire, le candidat Emmanuel Macron propose l’instauration d’un chèque alimentaire. Davantage qu’une promesse, il s’agirait en réalité de la mise en application d’un article de la loi Climat et résilience, promulguée en août 2021 par le président Emmanuel Macron. Le chèque alimentaire est « à la fois plus efficace et plus juste », car ciblant « les ménages à l’euro près », a déclaré son promoteur lors du débat. Le chèque aurait aussi l’avantage de conforter la loi Egalim 2, une arme contre la guerre des prix destructrice de valeur, que les distributeurs rechignent à appliquer, trop heureux de s’ériger en défenseurs du pouvoir d’achat des plus modestes, aux dépends du pouvoir de vivre des agriculteurs et in fine de la capacité à les régénérer. Quand, comment, combien, pour qui exactement, quel budget global et quelle pérennité, le chèque alimentaire ? Mystère. Et pour quels produits avec quels signes de qualité ? Mystère 2. Autant d’arbitrages qui en diront beaucoup sur les transitions de nos systèmes agricoles et alimentaires, tout comme les modalités du futur étiquetage environnemental, lui aussi dans les tuyaux de la loi Climat et résilience. Chèque en blanc ou choc Marine ?