[Innov-Agri] L’agroéquipement ne se ment plus

Si la remontée des cours des céréales est de bon augure pour l’investissement, les constructeurs jouent la prudence, face à des clients eux-mêmes circonspects. Les perspectives de la prochaine Pac calment les ardeurs.

Fini l'alignement du marché de l'agroéquipement sur l'évolution des cours du blé et autres céréales ? Peut-être. Dans les allées d'Innov-Agri, les constructeurs sont, à l'instar de tous les acteurs du monde agricole, agriculteurs en tête évidemment, satisfaits de constater la reprise des cours des céréales. « Ce qui est bon pour les céréaliers l'est beaucoup moins pour les éleveurs », tempère aussitôt Michel Weber, directeur marketing et communication chez New Holland. « Ces derniers vont devoir en prime acheter des fourrages. Et puis les maïs grains ne sont pas encore rentrés et la sécheresse qui perdure invite à la prudence ». « Les crises et aléas à répétition rendent les agriculteurs pragmatiques », analyse de son côté Nicolas Millet responsable marketing et communication chez Gregoire-Besson. « Les prix sont rassurants mais certains, pour avoir pris des positions de vente avant, n'en profiteront pas ».

Du sur-amortissement au sur-investissement

Avant de ré-investir, la priorité sera donnée aux trésoreries, mises à mal par les prix sinon par les rendements, voire par le sur-investissement. « On l'a vu ici ou là en grandes cultures, concède Nicolas Millet. « En vigne, on a connu dans certains secteurs un épisode de sur-investissement lié au mesures fiscales passées », déclare de son côté Jérôme Mestrude, responsable marketing chez Tecnoma. « On est revenu à la normale depuis. En grandes cultures, on va voir revenir des agriculteurs dont le matériel manifeste des signes de faiblesse et qui vont être forcés de réinvestir. Les réorganisations d'exploitations vont également générer des ventes. Mais pour la vente d'une machine neuve, on va en reprendre trois... ». Dans le secteur de l'élevage, à défaut d'embellie, les constructeurs composent avec la stabilité. « Dans le lait comme dans la viande, la stabilité des prix a soutenu l'investissement dans le matériel de fenaison, de travail du sol et de semis », déclare Jean-Marc Debien, directeur marketing chez Kuhn. « Mais on se pose la question suivante : les agriculteurs et les éleveurs étant rompus à faire durer leurs matériels plus longtemps, ne vont-ils pas les conserver une ou deux années de plus ? ».

Nouvelles stratégies d'équipement

Il faudra attendre quelques mois pour jauger la portée de la reprise des investissements dans les agroéquipements, si reprise il y a. Car si le matériel supporte les années, il supporte aussi le partage, en Cuma sinon sur les plateformes d'échange. « Je ne vois pas le co-farming changer fondamentalement la donne », analyse Jean-Marc Debien. « En revanche, la délégation de chantier aux entreprises de travaux pousse à la roue. On note également des raisonnements d'achat davantage basés sur les marges et sur les seuils de rentabilité ». « Les agriculteurs, en quête de sécurisation, optent pour des formules au coût/ha connu d'avance et maîtrisé », souligne Michel Weber. « Cela passe par du crédit-bail, des extensions de garantie, des packs service ». New Holland se risque à une prévision de croissance d'environ 5 % pour la pré-saison 2019. Le marché de l'agroéquipement pourrait aussi profiter des remises en question environnementales. On pense au glyphosate et aux matériels de travail et d'entretien du sol en premier lieu. « Les agriculteurs vont diversifier leur assolement, peut-être redécouper leur parcellaire, nous amenant à revoir à la baisse le gabarit de nos machines », anticipe Nicolas Millet. Dernière incitation à la prudence : le serrage de vis que préfigure la réforme de la PAC, dont les tenants et aboutissants devraient être connus d'ici à septembre 2019. La fenêtre d'investissement ne sera décidément pas grande ouverte.