Les buses à injection d’air, des buses dans (et contre) le vent

Les buses à injection d’air constituent le moyen le plus accessible et le plus polyvalent pour lutter contre la dérive, en grandes cultures comme en vigne-arbo. Les nouvelles buses à pulsation électrique peuvent aussi y contribuer, tout en présentant d’autres gages du point de vue de la précision.

L'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants prévoit que la largeur de la zone non traitée (ZNT) à respecter à proximité d'un point d'eau peut être réduite de 20 m à 5 m ou de 50 m à 5 m, sous réserve du respect simultané de deux conditions.

La première concerne la mise en place d'un dispositif végétalisé permanent (DVP) d'au moins 5 m de large en bordure des points d'eau, de type herbacé ou arbustif pour les cultures basses et arbustif pour les cultures hautes, avec une hauteur de haie au moins équivalente à celle de la culture.

La seconde condition réside ans la mise en œuvre de moyens permettant de diviser au moins par trois le risque pour les milieux aquatiques. Ces moyens sont répertoriés sur une liste officielle, mise à jour régulièrement au gré des demandes d'inscription formulées par les fabricants de buses et de tout autre dispositif anti-dérive. Les buses à injection d'air y figurent en force. Il faut dire qu'elles constituent le moyen le plus économique pour réduire au minimum les ZNT, sur les appareils à rampes comme sur les pulvérisateurs pour vigne-arbo.

Aussi efficaces que les buses à fente

Les buses à injection d'air génèrent des gouttelettes d'environ 600 µ de diamètre contre 200 µ pour les buses à fente. Elles sont donc moins sensibles au vent mais elles ne changent rien à l'interdiction de traiter au-delà d'un degré d'intensité supérieur à 3 sur l'échelle de Beaufort, soit 19 km/h.

Selon Arvalis Institut du végétal, qui les teste depuis une quinzaine années, les buses à injection d'air sont aussi efficaces que les buses à fente classique. « Malheureusement, l'idée selon laquelle elles seraient moins efficaces reste ancrée dans l'esprit de nombreux agriculteurs », souligne Benjamin Perriot, ingénieur R&D en pulvérisation chez Arvalis Institut du végétal. « Au départ, les organismes de développement ont mis en avant le nombre d'impacts au cm2 comme étant le facteur clé d'efficacité. Au fil des essais, on s'est aperçu que c'était le taux de couverture qui primait, autrement dit le produit du nombre d'impacts et du volume de bouillie à l'ha ».

Deux jeux couvrant tous les usages

S'agissant des herbicides, Arvalis a élaboré un schéma décryptant les volumes comparatifs requis entre buses à fentes et buses à injection d'air selon le mode d'action des produit (contact / systémique) et le volume de végétation en présence. Avec un herbicide systémique, le volume/ha passera de 50 l/ha à 80 l/ha entre la buse à fente et l'injection d'air sur une cible étroite (jeunes adventices) mais restera inchangé à 50 l/ha sur une cible large. Avec un herbicide de contact, le volume/ha passera de 50 l/ha à 80 l/ha sur des adventices développées (sans dépassement du stade optimal de traitement) et de 80 l/ha à 150 l/ha entre la buse à fente et l'injection d'air sur une cible de jeunes adventices.

Le même raisonnement vaut pour les fongicides. « Concrètement, avec deux jeux de buses à injection d'air, l'un autour de 80-100 l/ha et l'autre à 150 l/ha, vous couvrez la qualité de tous les usages en grandes cultures », indique Benjamin Perriot. « Le jeu délivrant 150 l/ha sera mis à profit pour les traitements dirigés contre la fusariose des épis des céréales ». Arvalis a en effet démontré que le volume/ha primait sur le type de buse en matière de lutte contre la fusariose des épis de blé. Les volumes supérieurs ou égaux à 150 l/ha donnent de meilleurs résultats que des volumes plus réduits (80 l/ha), quelles que soient les buses utilisées. En outre, l'utilisation des buses injection d'air n'altère pas l'efficacité de l'application par rapport à des buses classiques.

Un surcoût relatif

Malheureusement, dans les campagnes, la présence d'un seul jeu de buses à injection d'air n'est pas généralisée. La faute à cet a priori tenace évoqué précédemment. Question de coût peut-être aussi ?  « On trouve aujourd'hui sur le marché des buses à injection d'air en plastique à 3 euros, soit au même prix qu'une buse à fente », souligne Benjamin Perriot. « Mais il en existe aussi à 12 euros l'unité, en céramique, à la durée de vie sans commune mesure avec celles des buses en plastique. Quand on sait les sommes qui transitent chaque année dans un pulvérisateur, le surcoût est très relatif ». Les buses en céramique ont l'inconvénient de fixer le calcaire, corrigible moyennant un nettoyage occasionnel à l'acide léger ou au vinaigre.

PWM ou la régulation au niveau de la buse

Une autre famille de buses a fait son apparition sur le marché ces dernières années. Il s'agit des buses à solénoïdes électriques proposées par plusieurs constructeurs (John Deere, Raven, Teejet...) et présentant également des vertus anti-dérive. Dénommé PWM (Pulse Width Modulation), la technologie permet en effet de s'affranchir de la relation entre vitesse, débit et pression. En bordure de parcelle, il est ainsi possible de baisser la pression de pulvérisation pour limiter les risques de dérive, sans faire de compromis sur la qualité d'application.

Mais ce n'est pas là l'argument majeur de ces buses à pulsation électrique, qui ne figurent pas sur la liste officielle des systèmes anti-dérive. En milieu de champ, la technologie est mise à profit dans les phases d'accélération et de décélération au cours desquelles la pression est susceptible de varier, notamment sur les pulvérisateurs dont la régulation est basée sur le débit. Il est enfin possible de moduler la dose en conservant une vitesse constante. Les buses à solénoïdes électriques constituent une offre complémentaire aux sélecteurs automatiques de buse en cours de traitement, lesquels permettant de changer le profil des buses afin de s'adapter à des conditions changeantes de vitesse d'avancement, de dose, de vent.

Pour aller plus loin :

retrouvez le dossier de Pleinchamp sur les ZNT et les dispositifs anti-dérive.