Les manches à air, du vent contre la dérive

Les dispositifs d’assistance d’air attenant aux rampes de pulvérisateurs s’avèrent efficaces pour lutter contre la dérive et éventuellement réduire les doses. Moyennant un coût supérieur à celui des buses à injection d’air mais avec à la clé, une hypothétique réduction des doses.

30 ans et plus que jamais dans le vent. En 1989, Hardi lançait sa technologie Twin, constituée de deux turbines et deux manches à air longeant les deux demi-rampes. L'air pulsé à l'entrée des manches ressort par les multiples orifices disposés sur toute la longueur, en position inférieure. Sour l'effet du débit (2000 m3/h maximum par mètre de rampe) et de la vitesse de l'air (35 m/s maximum), le flux d'air rencontre le flux de pulvérisation à 30 cm sous les buses de manière à donner le maximum d'énergie aux gouttelettes et à les entrainer dans un courant d'air descendant, contribuant à augmenter la part des gouttes déposées sur la culture cible. L'orientation simultanée de la sortie d'air et des buses permet de régler la pénétration de + 40° vers l'avant et - 30° vers l'arrière et de réduire la dérive en compensant le vent suivant sa direction, assurant ainsi une bonne couverture même à grande vitesse.

Jusqu'à 90% de dérive en moins

Le système permet ainsi de conserver les avantages des fines gouttelettes produites par des buses à jet plat, produisant un taux de dépôt plus élevé, une meilleure couverture et éviter ainsi le ruissellement. Dans ses essais, Hardi a démontré que le pourcentage de dérive avec une rampe Twin par vent de 30 km/h est inférieur au pourcentage de dérive occasionné par un pulvérisateur conventionnel par vent de 5 km/h. « La limitation de dérive peut atteindre plus de 90 % en végétation développée », souligne Pierre-Marie Verbeke, directeur commercial de Hardi. « Cette situation est la plus propice à la réduction de la dérive car l'air contenu dans la végétation sert d'amortisseur et renforce la lutte contre la dérive en limitant le phénomène de rebond. Twin permet de réduire la dérive dans des proportions comparables à celles de buses à injection d'air, mais sans les règles d'usage de celles-ci, et avec les bénéfices de fines gouttelettes en termes d'impacts. Des buses à injection d'air peuvent bien évidemment être associées à Twin ».

Sur une végétation peu développée ou pour des applications au sol, le constructeur annonce une réduction de 70 à 80% par rapport à une application conventionnelle à jet plat. A noter qu'il est plus difficile de réduire la dérive sur des cultures à larges feuilles rigides que sur des cultures plus flexibles telles les céréales. Hardi annonce néanmoins des réductions de dérive de 84% en haricot, 83% en pois, 76% en chou de Bruxelles, 68% en laitue.

Réduction de doses ?

En plus de porter les gouttelettes vers leur cible et des les soustraire à la dérive, l'assistance d'air a des arguments à faire valoir en efficacité. Selon Hardi, les mouvements des feuilles en végétation dense, provoqués par le flux d'air, ainsi que la projection de gouttes fines induisent une meilleure pénétration et une meilleure couverture du traitement. « L'assistance d'air améliore ainsi l'efficacité biologique des matières actives et et permet d'envisager, au cas par cas, une réduction des doses de matières actives », énonce Pierre-Marie Verbeke. Et de citer une étude réalisée en 2017 et 2018 par le département agroécologie de l'université d'Aarhus (Danemark) démontrant que Twin permet d'augmenter les quantités de dépôts sur les plantes en comparaison d'une pulvérisation conventionnelle sans assistance d'air, autorisant ainsi « une réduction de matière active entre 17% et 30% dans des conditions de sol nu ou de plantes basses et ouverte, voire davantage pour des conditions de plantes denses du fait de la meilleure pénétration et couverture avec l'assistance d'air du Twin ».

« A ma connaissance, aucun organisme officiel, en France ou à l'étranger, ne documente cette faculté de réduction des doses », estime de son côté Benjamin Perriot, ingénieur R&D en pulvérisation chez Arvalis Institut du végétal. « On ne l'a pas démontré sur un autre dispositif anti-dérive que sont les buses à injection d'air. Il y a une explication à cela : la dérive ne représente que quelques pour cents du volume appliqué. Même si le taux de réduction de la dérive est important, il s'applique de fait à un volume réduit ». Arvalis pointe par ailleurs l'exigence du système en termes de réglages (volume d'air, orientation, volume de la canopée...) et accessoirement en puissance, nécessaire à l'entrainement des turbines.

Une offre qui s'étoffe

En France, la technologie a trouvé un certain écho sur les façades maritimes, notamment chez les producteurs de légumes. Mais elle est beaucoup représentée dans des pays comme les Pays-Bas ou le Danemark, où la réglementation est plus stricte qu'en France.

Preuve que les rampes à assistance d'air sont une source de progrès, d'autres constructeurs ont emboité le pas à Hardi, tels que Chabas, S21 ou encore Vermande, dont les solutions figure  sur la liste officielle des équipements d'application des produits phytopharmaceutiques présentant une efficacité minimale de 66 % pour réduire la dérive.

D'autres constructeurs disposent également d'une offre similaire, tels que Arland Pulvérisation, Unigreen (groupe Maschio) avec son option Vento ou encore Beyne avec le Wingssprayer une aile (Wing) exploitant le courant d'air descendant créé par le déplacement du pulvérisateur. Rappelons que l'interdiction de traiter lorsque la vitesse du vent atteint une intensité supérieure à 3 sur l'échelle de Beaufort, soit environ 19 km/h, prévaut dans tous les cas.

Autres technologies

Chez Agrifac, le système d'assistance pneumatique AirFlowPlus met en œuvre des ventilateurs hydrauliques disposés tous les 3 mètres sur la rampe. Cette conception évite les pertes de charge et garantit l'efficacité du dispositif sur toute la largeur de rampe. Le système crée un flux d'air vertical qui a pour effet d'accompagner les gouttelettes sur le végétal et de créer une turbulence favorisant leur dépôt sur les deux faces des feuilles. L'AirFlowPlus se développe sur des productions à haute valeur ajoutée telles que la production de semences et en cultures légumières. Cultures à haute valeur ajoutée sous-entend une technologie à prix élevé : le surcoût est d'environ 1000 € le mètre.

Le constructeur propose un autre système plus abordable (surcoût de 9 000 €) avec l'HighTechAirPlus, une combinaison de pulvérisation conventionnelle, d'alimentation d'air et de mélange dans les porte-buses. Un compresseur embarqué force l'injection d'air au niveau des quadrijets, avec un effet plus marqué que des buses à injection d'air passives.

Pour aller plus loin :

retrouvez le dossier de Pleinchamp sur les ZNT et les dispositifs anti-dérive.