Pesticides/riverains : « le miscanthus était la seule solution »

Benoît Le Helloco a décidé d’implanter une bande de miscanthus pour ne plus subir la pression exercée par un riverain qui borde un de ses champs. La culture, une fois bien développée, ne nécessite aucun traitement.

Des haies, des bosquets et des champs de maïs qui tapissent un paysage vallonné : le bocage dans lequel se niche la commune de Merléac, au sud de Saint-Brieuc dans les Côtes-d’Armor apparaît comme un îlot de tranquillité. Le paysage n’a rien en commun avec les zones rurales périurbaines ou mitées par un habitat dense, souvent associées aux conflits entre agriculteurs et riverains. Et pourtant. C’est au cœur de ce théâtre de verdure que Benoît Le Helloco a décidé d’emblaver du miscanthus sur l’une de ses bonnes parcelles pour faire office de « zone tampon ». Objectif : ne plus subir les foudres de l’occupant du terrain qui borde sur 60 mètres l’un de ses champs, et qui ne tolère pas la vue d’un pulvérisateur.

Les mains sur les hanches, le jeune agriculteur observe la parcelle où émergent de jeunes plants vert tendre. Le miscanthus couvre 80 ares. « Si j’avais eu le choix, je n’en aurais pas implanté ici, explique le producteur. Je réserve le miscanthus aux parcelles avec un potentiel moindre pour les céréales à paille, ou aux bonnes parcelles à maïs. » Si Benoît Le Helloco a « sacrifié » près d’un hectare, c’est sous la pression des voisins. « Ils m’ont demandé de ne pas traiter à moins de 50 mètres de leur terrain, et dès que je sors avec le pulvé, je sais que je risque de me faire interpeller », soupire l’agriculteur.

Des récriminations par courrier et SMS

En mai dernier, à peine avait-il débuté les traitements qu’il recevait un SMS lui rappelant la réglementation, notamment l’interdiction de traiter en cas de vent supérieur à 19 km/h. Le SMS accusateur affirmait que les conditions n’étaient pas remplies, le mettant hors la loi. Vu le contexte, Benoît Le Helloco est pourtant très rigoureux sur les conditions météorologiques. « Au cas où, j’ai filmé une longue séquence avec mon portable pour montrer que les feuilles des arbres ne bougeaient pas », raconte-t-il.

Au fil du temps, le dialogue est devenu impossible. « Il m’a expliqué que ce n’est pas à moi qu’il en veut, mais au système agricole et aux politiques qui nous auraient mal aiguillés. Son argument est que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres, et que j’empiète sur la sienne quand je traite car son jardin est bio. » Les relations se sont tendues et, pour Benoît Le Helloco, « le miscanthus était la seule solution ».

Cette culture n’est pas une découverte sur sa ferme. Son père avait commencé à en implanter à la fin des années 2000. Le miscanthus apparaissait comme une solution intéressante pour le paillage des poulaillers de l’exploitation, en remplacement des copeaux. Et il était déjà question de phytosanitaires : cette culture avait été mise en place dans des parcelles traversées par un cours d’eau, autour duquel il était interdit de traiter.

Une bande de 6 mètres « par sécurité »

Le miscanthus a depuis fait son trou sur l’exploitation, couvrant désormais 10 hectares sur la SAU de 88 hectares de la ferme de polyculture avec un atelier volailles. Le long du terrain source de litige, Benoît Le Helloco a implanté une bande de 6 mètres. « J’ai pris une marge de sécurité par rapport à la réglementation sur les ZNT pour ne prendre aucun risque. La question, c’est jusqu’où faut-il céder pour avoir la paix, s’interroge l’exploitant. J’ai l’impression que l’effort est toujours fourni par les agriculteurs. »

Le Breton espère maintenant que cette solution mettra fin aux récriminations. Il a même pris toutes les précautions. « J’ai précisé à mon voisin que le miscanthus allait atteindre une haute taille, et je l’ai même prévenu que le bruit peut être impressionnant lorsqu’il y a du vent, en raison du frottement des feuilles. »

Désherbage manuel les trois premières années

Les trois premières années, Benoît Le Helloco va devoir user de l’huile de coude. Il faut en effet contrôler l’enherbement le temps que le miscanthus devienne suffisamment vigoureux pour supporter la concurrence des adventices. Faute de pouvoir traiter, Benoît Le Helloco s’est équipé d’une bineuse à roues pour détruire les adventices sur la ZNT. L’effort est également financier : le coût d’implantation du miscanthus tourne autour de 3 000 euros à l’hectare.