Quand l’agriculture de précision se met au service de la bio

Le Gaec Talbot a entamé un diagnostic Be Api des sols en 2019. L’objectif affiché est de réduire la facture de fertilisants organiques en apportant la dose nécessaire de manière très localisée.

Historiquement, Bertie et Laurent Talbot avaient organisé la rotation de leurs 145 hectares de cultures autour de la production de tabac. L’histoire se finit brutalement pour cette exploitation située à Chanteloup, dans les Deux-Sèvres, lorsque en 2019 l’entreprise de transformation décide de se tourner vers d’autres pays pour se fournir en matière première. Pourtant, l’arrêt soudain de cette culture n’aura pas laissé que du négatif pour les exploitants. En effet, la production de tabac aura été à l’origine de la démarche d’agriculture de précision initiée par les deux associés.

« Nous avons développé une culture de la technicité avec le tabac, se souvient Bertie Talbot. Cette production nous a aussi amené à nous tourner vers l’autoguidage ». Si les deux exploitants étaient déjà équipés avec du matériel Isobus apte à moduler les apports d’engrais, c’est en 2019 qu’ils franchissent réellement le pas. Avec leur coopérative, la Cavac, ils lancent un diagnostic Be Api sur l’ensemble de leur exploitation.

"Connaître les teneurs en phosphate, potasse et le pH quasiment au mètre carré"

« La démarche est encore en cours, mais quand nous aurons fini, nous pourrons connaître la composition du sol mais aussi les teneurs en phosphate, potasse et le pH quasiment au mètre carré », explique Antoine Moinard, référent Be Api au sein de la coopérative. 

Réduire les apports au strict nécessaire

Ce diagnostic est d’autant plus important qu’entre 2017 et 2019, le Gaec Talbot s’est convertit à l’agriculture biologique. La rotation s’est ainsi allongée de trois à six cultures et la problématique de la fertilisation est arrivée sur le devant de la scène. « On achète nos effluents organiques à l’extérieur, ça représente un coût important. Le but de la démarche Be Api, c’est de pouvoir utiliser le bon fertilisant organique au bon endroit », détaille Bertie Talbot.

Un enjeu d’autant plus important que la coopérative contractualise 100 % de son blé bio avec des meuniers. « Les clients nous challengent sur la qualité meunière mais aussi sur le volet environnemental. L’agriculture de précision permet de répondre à ces deux critères », affirme Antoine Moinard.

Avec déjà 4 000 hectares diagnostiqués, la coopérative prévoit d’en réaliser 2 000 à 3 000 de plus chaque année. « Avant de passer à une plus grande échelle, il faut d’abord que nous consolidions le travail entamé sur les premières exploitations. Nous allons aussi devoir faire monter en compétence nos collaborateurs sur le sujet », tempère le réfèrent Be Api de la coopérative.

"Les analyses font apparaître des insuffisances dans certaines zones"

Si le diagnostic n’est pas encore terminé sur le Gaec Talbot, des premières informations commencent à ressortir. « Nous avions arrêté le chaulage car l’épandage des fientes devait suffire, mais les analyses montrent que ce n’est pas suffisant dans certaines zones », rapporte l’agriculteur. Il observe maintenant avec attention les nouvelles formes de bouchon d’engrais, utilisables en agriculture biologique, qui pourraient permettre d’effectuer des apports à des stades plus avancés de la plante.

Prendre en compte l’aspect économique

Le but de l’agriculture de précision est d’homogénéiser le rendement des cultures en apportant la juste dose de fertilisant nécessaire selon les zones de la parcelle. Elle peut donc impacter de deux manière le bilan économique de l’exploitation : soit, comme au Gaec Talbot, elle permet de réduire les dépenses en optimisant les achats de fertilisants, soit elle permet d’augmenter les rendements sur certaines zones de la parcelle qui étaient jusqu’alors mal fertilisées.

Antoine Moinard, référent Be Api à la Cavac, présente les cartes issues du diagnostic des sols que reçoivent les agriculteurs (crédits photo : Clément Henri)
Antoine Moinard, référent Be Api à la Cavac, présente les cartes issues du diagnostic des sols que reçoivent les agriculteurs (crédits photo : Clément Henri)

C’est pour comprendre ces phénomènes localisés que les cartes de rendement de la parcelle prennent toute leur importance. « Avant, on les accrochait au mur, ça faisait joli et c’est tout. Maintenant on peut les superposer avec les cartes issues du diagnostic des sols », indique Bertie Talbot.

Mais pour arriver à ce résultat, il faut investir dans la démarche au préalable. En lui-même, le diagnostic réalisé par Be Api représente plusieurs dizaines d’euros par hectare. Le matériel pour moduler les apports représente lui aussi un investissement significatif. « Mais aujourd’hui, l’équipement de plus de 50 % des exploitations est déjà adapté et il est parfois sous-utilisé », nuance Antoine Moinard. Selon lui, les bénéfices de ce matériel en termes simplement de coupure de tronçons permettent déjà de rembourser le prix du diagnostic Be Api.