Quels impacts du phénomène La Niña sur le climat de cet hiver ?

Pour la deuxième année consécutive, la « sœur » d’El Niño est de retour dans le Pacifique équatorial. Précipitations importantes en Australie, sécheresse en Amérique du Sud, conditions froides en Russie… le point sur le phénomène climatique La Niña et ses conséquences avec Pierre Huat, météorologiste chez DTN.

La Niña et El Niño, qu’est que c’est ?

Pierre Huat : La Niña est le pendant d’El Niño, un phénomène climatique mondial, qui se matérialise par la mise en place d’une anomalie froide de température (chaude pour El Niño) sur l’océan Pacifique équatorial. Cette variation de la température de l’eau de surface du Pacifique s’étend sur des milliers de kilomètres et est induite à la fois par une modification des courants marins mais aussi par la modification de la circulation atmosphérique, via par exemple un ralentissement ou une accélération des alizées. Dans le cas de la Niña, c’est en effet le renforcement des alizées qui chasse la pellicule d’eau chaude du Pacifique central et oriental vers l’ouest (vers l’Indonésie et l’Australie). L’origine de cette modification périodique des alizées est encore mal connue.

En conséquence, les eaux plus froides auront tendance à faciliter la formation de vastes zones anticycloniques, alors que des eaux plus chaudes favoriseront au contraire des conditions plus dépressionnaires. Cela provoque des modifications en cascade sur la circulation atmosphérique habituelle, qui pourra être perturbée en profondeur, et à l’échelle planétaire, provoquant alors de vastes changements sur le climat habituel de nombreuses régions du monde.

Ce phénomène cyclique dont la durée de retour est de 4 à 7 ans environ, dure généralement de 1 à 2 ans durant lesquels le climat mondial est affecté de façon très hétérogène. Les dernières phases La Niña datent de 2011, 2009 et 2000, alors que la phase actuelle s’est mise en place dès l’hiver dernier (avec cependant une pause neutre l’été dernier).

Quels sont les impacts de la Niña?

Pierre Huat : A l’échelle mondiale, alors que la phase El Niño est connue pour augmenter les températures planétaires, la phase La Niña tempère au contraire les excès de chaleur, et permet généralement une « pause » toute relative dans la hausse des températures liée au changement climatique. Le dernier évènement El Niño correspond d’ailleurs à l’année la plus chaude jamais enregistrée sur la planète : 2016. Bien que les impacts d’El Niño soient généralement plus importants que ceux de la Niña, ceux-ci sont tout de même importants à l’échelle de la planète.

Parmi les plus importants, nous pouvons citer :

- Une hausse du nombre d’ouragans dans l’Océan Pacifique. Ce fut le cas cette année, avec 21 cyclones nommés, ce qui en fait la 3ème saison la plus active.

- L’Asie du Sud-est, l’Indonésie et l’est de l’Australie connaissent en général des précipitations plus importantes qu’habituellement, avec parfois d’importantes inondations, alors qu’au contraire, la côte ouest de l’Amérique du sud est en général concernée par des précipitations déficitaires, et parfois d’importantes sécheresses.

- L’Afrique Australe est elle aussi en général concernée par d’importantes précipitations, plus fréquentes et intenses qu’à l’habituel. Elles génèrent parfois d’importantes inondations.

Quels sont les impacts dans l’hémisphère nord ?

Pierre Huat : Dans l’hémisphère nord, les impacts sont moins francs. En général, La Nina se traduit par un hiver relativement frais à froid sur le nord de l’Amérique du Nord (Canada et Alaska) ainsi que sur l’est de l’Asie (Chine, Corées et Japon). Le sud de l’Amérique du nord (Mexique et sud des États-Unis sont en général concernés en revanche par un temps assez sec et doux. On constate d’ailleurs cet effet actuellement, où la douceur est récurrente dans le sud et l’est des Etats-Unis.

Sur l’Europe, le lien entre La Niña et de quelconques changements n’est pas établi. Il semble néanmoins que cette phase pourrait en général provoquer des conditions assez froides vers la Russie européenne et l’Europe scandinave, c’est d’ailleurs ce que l’on constate en ce mois de décembre.

L’épisode La Niña en cours devrait encore s’intensifier cet hiver pour atteindre son maximum entre février et mars, mais ce pic d’activité devrait rester inférieur au pic de 2020. Le retour à une phase neutre est prévu entre le printemps et l’été 2022.

Résumé des impacts de la Niña à l'échelle mondiale (crédits : Creative commons)