Climat et vigne : degrés contre degrés

Quand les degrés Celsius font monter les degrés d’alcool... La vigne et le vin constituent deux marqueurs du changement climatique en cours. La recherche fondamentale et appliquée échafaude différentes stratégies d’adaptation. Optimisme de mise jusqu’en 2050, mais au-delà...

Produira-t-on encore du vin en Occitanie en 2050 ? « Sans aucun doute mais à condition de mettre en œuvre des stratégies d'adaptation », répond Jean-Marc Touzard, directeur de recherche à l'INRA. Le chercheur intervenait à Toulouse (Haute-Garonne) à l'occasion des Journées scientifiques, 10èmes du nom, organisées chaque année par l'association Météo et Climat. Et si la question était posée au chercheur, c'est parce que certaines publications font de cette une hypothèse une réalité dans trois décennies. De quoi s'inquiéter quand on sait que l'Occitanie comptabilise 265 000 ha de vignes, ni plus ni moins qu'un tiers du vignoble national. « La simulation en question est biaisée car elle ne prend pas en compte les leviers d'adaptation à la disposition des viticulteurs », précise Jean-Marc Touzard. « Or les vignerons ont toujours fait preuve d'adaptation ». A ceci près que le changement climatique ne leur laisse pas le loisir de tergiverser.

Six leviers d'adaptation

Car les impacts du changement sur la vigne et le vin sont déjà bien inventoriés quand ils ne sont pas déjà à l'œuvre sur la vigne et le vin : avancée de la phénologie et des vendanges, bilans et stress hydriques affectant le rendement et la qualité, augmentation du degré d'alcool et baisse de l'acidité, impacts économiques en termes de revenu, de compétitivité et de patrimoine, modifications sensorielles susceptibles de désorienter les consommateurs.... Les acteurs de la recherche ne sont pas pris au dépourvu et font état de plusieurs leviers d'adaptation comme : changer de cépage (variétés anciennes, étrangères ou nouvelles), adopter de nouvelles pratiques viticoles (densité, taille, effeuillage, gestion du sol, irrigation), développer de nouvelles pratiques œnologiques (réduction de la teneur en éthanol, ajustement du pH, sélection de levures), réorganiser les plantations dans l'espace (réaménager les terroirs, relocaliser les vignes, changer d'altitude, revoir les limites des aires AOP), faire évoluer le cadre institutionnel (cahier des charges AOP et IGP, gestion globale des risques, nouvelle politique pour services climatiques) et enfin construire des connaissances en intégrant consommateurs et citoyens.

Jusqu'à + 2 °C, au-delà...

Ces stratégies ont été explorées dans le programme de recherche Laccave qui, entre 2012 et 2016, a associé des chercheurs de plusieurs disciplines (climatologie, génétique, agronomie, œnologie, économie, sociologie, ...), issus de l'INRA, du CNRS, d'universités et d'écoles d'ingénieurs (voir encadré). Jean-Marc Touzard affiche un optimisme certain quant à la capacité des acteurs, à savoir chercheurs, viticulteurs et consommateurs, à réunir les conditions pour continuer de produire du vin en Occitanie à l'horizon 2050, étant entendu que la préoccupation climatique n'est pas propre au vignoble de cette Région.  La viticulture est elle-même porteuse se solutions d'atténuation du changement, via des pratiques agroécologiques. « Les impacts seront relativement modérés jusqu'en 2040-2050 et les viticulteurs pourront y faire face sans changements trop radicaux », estime Jean-Marc Touzard. « Mais après 2050, si la température s'élève de plus de 2°C, la limite fixée par la Cop 21, le système deviendra plus instable et plus risqué ».