La crise atteint progressivement le secteur malgré les possibilités de stockage pour la tamponner

Le secteur viticole est actuellement plus préoccupé des risques de gel de printemps que des conséquences commerciales du confinement. Cependant, les conséquences commerciales sont déjà bien réelles pour les entreprises vendant en direct : les caveaux peuvent ouvrir car considérés comme alimentaires mais les clients ne se déplacent pas ou peu ; la vente aux restaurateurs est interrompue ; la grande distribution enfin a tendance à privilégier les denrées périssables dans ses réapprovisionnements. Les expéditions sont donc en stand-by en ce début de confinement et certains producteurs sont déjà en difficulté de trésorerie.D’autre part, la gestion du personnel ou des prestataires en période de confinement peuvent compliquer la bonne exécution des contrats passés. Ainsi, les mises en bouteilles sont parfois reportées ce qui peut provoquer des annulations de contrats

Une reprise à plusieurs vitesses

Sur le marché export, la Chine a été, bien sûr, le premier marché à être impacté, mais les ventes redémarrent actuellement. En Cognac, c'est même une accélération inattendue sur cette destination majeure, qui fait penser que les difficultés sont passées. Au contraire en Bordeaux, la relance se fait attendre et le marasme constaté avant la crise actuelle a tendance à s'accentuer (depuis 2018 le marché se dégrade sous la pression d'une production excédentaire et non adaptée à l'évolution de la demande). L'inquiétude est liée aux besoins de trésorerie et à des chais occupés par les récoltes invendues alors qu'une nouvelle année culturale démarre.

Le vignoble de Champagne est particulièrement impacté par l'arrêt des événements festifs qu'ils soient familiaux, sportifs ou autres, et aussi par l'absence de trafic aérien : un des marchés importants pour les grandes maisons est la coupe de champagne offerte sur les longs courriers. Des questions de solvabilité vont même se poser pour certaines compagnies aériennes pour honorer leurs commandes antérieures. Les effets de cette crise sont donc très divers suivant les vignobles en fonction des marchés ciblés, de leur dynamique d'avant crise, de la possibilité de stockage...

Suivant les pays qui auront été les plus touchés et la durée de la crise sanitaire, l'impact sur les ventes à moyen terme sera différent : il est possible que certains pays à la fois importateurs et producteurs se recentrent sur leur marché au détriment des importations. Mais les appellations qui ont une dynamique commerciale forte ces dernières années (Rosés de Provence, Gers, Bourgogne, Cognac) devraient conserver leur avantage. Au contraire, pour les vignobles dont la clientèle est en repli, cela pourrait accélérer les difficultés. Une des questions qui se posent pour la sortie de confinement est la reprise rapide ou « molle » des repas hors domicile (restaurants) car ce marché est très important en volumes. La trésorerie des restaurateurs risque d'être exsangue, ce qui devrait reporter les commandes (vente du stock) et rendre les paiements encore plus difficiles pour un segment de clientèle déjà réputé comme « mauvais payeur ».

Les points de vigilance :

• Gestion de la main-d'œuvre au vignoble en période de crise sanitaire au moment où les travaux sont nombreux.

• Assurer le suivi des clients pour ne pas prendre de risques de défauts de paiement.

• Les démarches commerciales sont importantes dans un contexte d'incertitudes : ne pas les délaisser même si le vignoble demande beaucoup d'attentions au printemps.

Marc VARCHAVSKY - cerfrance