Les recettes du rosé pour garder le frais

Le Centre du rosé explore plusieurs pistes pour atténuer les effets du changement climatique sur la production de vins rosés. La sélection génétique y figure en bonne place, moyennant un pas de temps de 10 ans pour créer de nouvelles variétés.

Qu'il s'agisse de la production, de la consommation, des exportations et des importations, la France occupe, en matière de vins rosés, une position dominante sur la planète vitivinicole. De là à dire que la France développe une forme de dépendance au breuvage... Gilles Masson, directeur du Centre du rosé, basé à Vidauban (83) ne le formule pas ainsi. « La success story du rosé ne dément pas et on a tous envie que la belle histoire continue », a-t-il déclaré le 26 septembre 2019 au Sitevi, en préambule d'une conférence consacrée aux pistes d'adaptation au changement climatique. Avant de préciser les enjeux. « Le changement climatique, c'est pour le rosé une problématique énergétique car sa vinification est exigeante en refroidissement », a-t-il souligné. « Le changement climatique fait aussi peser des menaces sur les rendements, ce qui nous pose un problème pour nos marchés que l'on n'arrive pas toujours à satisfaire aujourd'hui. Ce n'est pas toujours avec 20 hl/ha que l'on fait de grands rosés ».

« Le temps ne joue pas en notre faveur »

Car à la problématique quantité s'ajoutent des incidences d'ordre qualitatif. « Frais, fin, parfumé : c'est l'ADN du rosé », a rappelé Gilles Masson. « Le changement climatique pourrait impacter l'acidité. Une baisse d'acidité, ça veut dire une baisse de fraîcheur, une augmentation possible de l'alcool, c'est une diminution de la buvabilité. Et puis peut-être des polyphénols en plus grande quantité et du coup, des vins un peu plus durs, plus taniques amers. Quant à la couleur, plus de polyphénols, c'est potentiellement des couleurs plus importantes. La typicité des rosés risque de changer et avec elle la cartographie des rosés. Le risque, c'est que les rosés luxembourgeois ressemblent à des rosés italiens, les français aux argentions et les espagnols à quelle chose de très alcoolisé et très peu acide. Le temps ne joue pas en notre faveur ».

Quatre voies d'adaptation

Le Centre du rosé a exploré plusieurs pistes d'adaptation, excluant d'emblée le changement de lieu de production, peu goûté par les viticulteurs. Anticiper les dates de récolte pour faire baisser l'alcool ? « On a bien sûr moins d'alcool, toujours de la fraîcheur dans les vins mais on n'a pas les vins de haute expression que l'on attend », argumente Gilles Masson. « A la cave, des solutions technologiques existent telles que le collage, la désalcoolisation, le désucrage mais elles sont coûteuses et peu utilisées. L'acidification, cela marche également. Quand on analyse sur 15 ans l'évolution des taux d'alcool et d'acide sur plus de 1000 échantillons à travers le monde, on s'aperçoit que le degré est parfaitement stable, à 12,73° en moyenne. L'acidité totale augmente pour atteindre en moyenne 3,94 g/hl, ce qui signifie que les œnologues et les vignerons ne sont pas immobiles, qu'ils anticipent déjà et qu'ils corrigent ».

Cépages d'hier, d'ailleurs et de demain

Les pratiques agronomiques constituent le dernier levier d'adaptation, au premier rang desquelles figurent l'encépagement. « Il nous faut regarder du côté des cépages d'hier, d'ailleurs et de demain », confie le directeur du Centre du rosé, qui lorgne du côté des cépages résistants pour assurer, en prime la transition écologique. « L'avenir, c'est de créer des variétés résistantes spécialement pour le rosé. Baptisée Edgarr en Provence, la démarche s'inscrit dans une vague de programmes où chaque région va régénérer ses cépages en intégrant des gènes de résistance à son propre patrimoine génétique. En Provence, on est parti sur le vermentino et le cinsaut. On a aussi testé des assemblages de 70 % d'artaban et de 30% de vidoc qui sont très appréciés. Comme quoi les cépages Resdur, qui n'ont pas été imaginés pour les rosés, sont bien valorisés dans cette couleur ».