Taxes américaines : les outils de la PAC à la rescousse des viticulteurs ?

Suite aux sanctions commerciales mises en place par les États-Unis contre les exportations agricoles de l'Europe, la Commission européenne pourrait accorder plus de flexibilité dans les outils de la PAC, et notamment celles de l’OCM vitivinicole sur la promotion des vins.

Depuis le 18 octobre 2019, en raison du conflit commercial qui oppose Airbus à Boeing, les États-Unis ont introduit un nouveau droit de douane de 25% sur certains produits agricoles européens, dont les vins, et de 10% sur les produits aéronautiques. « Concrètement en France, on parle de 300 millions d'euros de sanctions douanières sur la partie viticole et de 200 millions d'euros sur la partie aéronautique chaque année », explique Irène Tolleret, députée européenne LREM et viticultrice dans l'Hérault. Des taxes, qui, estime-t-elle, sont d'une « violence délirante ». « Pour la filière viticole française, le risque politique est beaucoup plus violent que le risque climatique, pour lequel au moins nous avons des assurances qui fonctionnent ! » constate-t-elle.

« Le pire a été pour le Beaujolais nouveau, poursuit Irène Tolleret. Les opérateurs ont appris la nouvelle alors que les conteneurs étaient en mer, que les prix de vente consommateurs étaient fixés, que la répartition de la marge était fixée, et tout d'un coup, il y a l'une des parties qui doit payer 25% de taxes ». De fait, « tous les importateurs ont essayé d'avoir une remise de prix de 25% ». Et pour des vins tels que le Beaujolais nouveau ou les vins de Provence, qui ne sont pas des vins qui vieillissent, il faut vite trouver de nouveaux débouchés.

Pour faire face à ces sanctions, les eurodéputés de la liste Renaissance (dont fait partie LREM) ont demandé à la Commission européenne, dans une lettre envoyée le 23 octobre, la mise en place d'un plan d'accompagnement avec des mesures « rapides et exceptionnelles ». « Il faut que l'Union européenne mobilise les fonds qui existent au sein de l'OCM vitivinicole pour accompagner ce problème », clame Irène Tolleret. Concrètement, les eurodéputés ont demandé à la Commission d'introduire de la « flexibilité » dans la gestion des campagnes de promotion des vins européens vers les pays-tiers.

Ces campagnes, financées par les aides de l'Organisation commune du marché (OCM) vitivinicole pour faire connaître les produits européens à l'étranger, sont allouées pour une destination précise. Des pénalités sont appliquées si les enveloppes ne sont pas dépensées ou si elles sont utilisées pour une autre finalité. « Nous demandons de la flexibilité pour pouvoir changer les campagnes en cours sans pertes d'enveloppe et sans pénalités, indique Irène Tolleret. Que ceux qui s'étaient engagés vers les États-Unis puissent réallouer leurs enveloppes vers d'autres régions, comme la Chine par exemple ».

Cette demande semble avoir été entendue par Bruxelles puisque, selon une lettre du commissaire européen à l'agriculture Phil Hogan envoyée à la France et vue par l'AFP le 22 novembre, la Commission européenne serait prête à introduire de la flexibilité dans ces opérations de promotion. Les eurodéputés doivent d'ailleurs voter à Strasbourg le 28 novembre prochain une résolution allant dans ce sens. Une décision qui pourrait atténuer l'impact des sanctions américaines et permettre à certaines filières touchées par des pertes de parts de marché sur les États-Unis de rebondir vers d'autres destinations.