Vin : une récolte abondante face à une consommation qui se tasse

Face à une offre de vin abondante en 2018, la consommation mondiale semble se tasser sous l’effet notamment de la baisse de la consommation des Chinois et des Anglais. Une situation qui risque fort de raviver la concurrence entre les principaux pays producteurs et de peser sur les prix en 2019, notamment ceux du vrac.

Les derniers chiffres dévoilés jeudi par l'OIV (Office International de la Vigne et du Vin) le confirment, le monde a fait en 2018 le plein de raisins. Une production qui dépasse largement les prévisions de l'automne dernier. La vendange 2018 aurait en effet atteint 292,3 millions d'hectolitres (Mhl), soit une progression de 17% par rapport à 2017, "la plus importante hausse depuis une quinzaine d'années" selon Pau Roca, le nouveau secrétaire général de l'OIV. 

Après la récolte historiquement basse de 2017, fortement impactée par les gels printaniers en Europe, les hausses de production sont spectaculaires : Espagne (+36,7% ; 44,4 Mhl), France (+34,8% ; 49,1 Mhl), Italie (+28,9% ; 54,8 Mhl), Allemagne (+30,7% ; 9,8 M hl), voire même +40,4% en Suisse (1,1 Mhl).

Seuls quelques pays voient leur volume fléchir pour des raisons climatiques ou économiques. A noter la baisse de 20% de la production chinoise, à 9,3 Mhl, qui marque un changement de tendance, mais aussi le nouveau recul de 12,5% de l'Afrique du Sud, toujours impactée par la sécheresse persistante et qui voit sa production passer sous le seuil des 10Mhl (9,5 Mhl).

Une production réalisée grâce à d'excellentes conditions climatiques dans la plupart des pays, notamment lors de la floraison, alors même que la surface viticole mondiale reste à peu près constante. La vigne (que ce soit pour le raisin de bouche ou de cuve) couvrait l'an passé 7,4 millions d'hectares au total. En Europe, l'Italie a su profiter au maximum des nouvelles règles de plantation accordées par l'UE et voit son vignoble passer à 702.000 ha contre 696.000 ha en 2017, soit une hausse de 0,8%. Rappelons que la réglementation européenne autorise aujourd'hui une progression de 1% maximum du vignoble. En France, du fait des nombreuses limitations imposées par les organismes de bassin (ODG), la surface n'a progressé que de 0,2% à 789.000 ha et de seulement 0,1% en Espagne. La péninsule ibérique reste, avec 969.000 ha, le premier vignoble du monde en surface devant la Chine (dont 85% du vignoble est consacré au raisin de table) et la France.

Les vignobles américains, argentins, chiliens, portugais, sud-africains, moldaves et brésiliens fléchissent légèrement, le plus souvent du fait de politiques de restructuration. 

La consommation marque un coup d'arrêt en Chine

La production mondiale sera donc largement suffisante pour combler la soif mondiale de vin. Côté consommation, l'heure est en effet à la stagnation, voire pour la première fois depuis 2014 à la régression avec une légère baisse évaluée à -0,3% (246 Mhl). Des chiffres à interpréter avec prudence car la méthodologie adoptée (celle des bilans) reste statistiquement délicate, notamment dans des pays comme la Chine où le niveau de stock est mal connu.   

Une chose est sûre, les américains restent les champions du monde de la consommation avec une nouvelle progression des quantités de vins consommées, soit 33 Mhl (+1,1%). Nous sommes bien loin toutefois des progressions à deux chiffres enregistrées il y a quelques années. Dans les pays européens la consommation reste stable, ce qui reste en soi une bonne nouvelle. 

La surprise vient de la Chine, longtemps moteur de la croissance mondiale, qui voit sa consommation fléchir de 6,6% à 18 Mhl. Un phénomène à suivre de près alors même que les chinois ne consomment en moyenne que 1,5 litre de vin par habitant et par an (contre 50 l pour les Français et 62 l pour le Portugais).

Si l'on tient compte des usages industriels du vin (vinaigre, eaux-de-vie, ...) évalués à 30 Mhl, la planète vin ne devrait pas avoir de problème pour apaiser la soif mondiale, ce qui risque aussi de raviver la concurrence entre pays producteurs et donc de mettre la pression sur les prix, notamment du vrac.

Les effervescents boostent les échanges mondiaux

Le commerce du vin est en effet aujourd'hui largement mondialisé avec des échanges en progression constante. Sur 10 litres de vin consommés dans le monde, 4,4 litres ont désormais traversé une frontière. En 2018, malgré la faible vendange 2017, les échanges internationaux de vin ont encore progressé de 0,4% en volume (108 Mhl) et de 1,2% en valeur. Un marché porté par les effervescents dont les échanges progressent de 3,7% en volume et 6,3% en valeur !

En ce mois d'avril, alors que le vignoble européen tremble face aux risques de gel, les vendanges 2019 ont déjà commencé dans l'hémisphère sud. Les premiers échos font état d'une récolte à la baisse que ce soit en Argentine, en Afrique du Sud, en Australie, au Chili ou au Brésil. Seuls la Nouvelle Zélande et l'Uruguay verraient leur production à la hausse. Voilà qui devrait permettre, peut-être, de calmer les tensions sur le marché du vin en 2019...