[Culturales] La météo saisonnière, au service de décisions stratégiques en agriculture

Les modèles de prévisions météorologiques saisonnières sont une réalité, renforçant et complémentant les modèles de prévision fréquentielle, avec une prévisibilité plus forte sur la température que sur la pluviométrie. Dans les années à venir, elles devraient aider les agriculteurs à opérer des choix stratégiques en matière d’assolements, de choix de variétés, de dates de semis ou encore de gestion de la ressource en eau.

Prévoir la météo des trois prochains mois ? « C'est absolument impossible », déclare Jean-Michel Soubeyroux. Le directeur-adjoint climatologie chez Météo France aurait pu glacer les agriculteurs assistant à la conférence qu'il consacrait aux prévisions météorologiques saisonnières, dans le cadre des Culturales. Mais, en ce 5 juin, le thermomètre culminant à 11°C et le pluviomètre affichant 23 mm avaient déjà refroidi l'assistance, en plus de reconstituer une miniature du marais poitevin, à un jet d'eau du Futuroscope. « L'atmosphère étant chaotique, la moindre évolution sur les conditions initiales ne permet pas d'établir des prévisions au-delà de 10 à 15 jours », poursuit le scientifique.  « Outre l'atmosphère, un système climatique est sous la gouverne des océans, des surfaces terrestres, et notamment leur température et humidité, ainsi que des glaces. Ces éléments exercent une force de rappel sur l'atmosphère. Et contrairement à l'atmosphère, leurs évolutions dans le temps sont relativement lentes. Elles sont donc prévisibles et c'est ce qui permet d'aboutir à la formulation de prévisions saisonnières sur trois mois ».

Eté 2019 : une chance sur deux d'être plus chaud

Leur établissement repose sur la mise en œuvre d'une dizaine de modèles au plan mondial, dont l'un appartenant à Météo France. Ces modèles sont activés une fois par mois et « rejouent » 24 années passées climatiques pour aboutir, au final, à la formulation de scénarios. « La prévision est de type probabiliste et non déterministe comme le sont les prévisions à 10-15 jours », explique le climatologue. « Pour juin, juillet et août 2019, les prévisions saisonnières indiquent une probabilité de 50% d'avoir un trimestre plus chaud que la normale en Europe occidentale, donc en France, contre 10% pour un trimestre plus frais que la normale et 40% conforme aux normales ».

Quel usage en agriculture ?

Comment l'agriculture peut-elle valoriser les prévisions saisonnières ? La question taraude Arvalis, qui coopère  activement sur le sujet avec Météo France et l'INRA. Dans le cadre du projet européen Medscope. « Nous envisageons d'intégrer les prévisions saisonnières dans certains modèles de prévision de maladie, comme la septoriose, pour renforcer leur robustesse », explique Philippe Gate, directeur scientifique de l'Institut technique. « Il y a deux ans, nous avons encadré un travail de thèse portant sur les prévisions de stade physiologique du blé d'hiver. Nous avons démontré que les prévisions saisonnières étaient plus précises que les prévisions fréquentielles usuelles, lesquelles n'intègrent pas le changement climatique ». Selon Arvalis, les prévisions saisonnières assisteront les agriculteurs pour opérer des choix stratégiques en matière d'assolements, de choix de variétés, de dates de semis, de gestion de la ressource en eau. Les prix des produits agricoles n'auraient plus le monopole. Les traders s'en sont déjà emparés....

Des marges de progrès ?

Le recours aux prévisions saisonnières sera d'autant plus pertinent que la prévisibilité sera meilleure. Peut-on escompter des progrès dans les années à venir, autrement dit faire mieux que le « une chance sur deux » ? « La dynamique scientifique est très forte sur le sujet, notamment au sein du programme européen Copernicus, consacré à l'observation de la Terre et au changement climatique », indique Jean-Michel Soubeyroux. « Les prévisions saisonnières ont tendance à s'améliorer dans les zones tropicales, l'océan pacifique exerçant une relative forte influence dans ce domaine. Sous nos latitudes, la prévisibilité de la température est plus forte que celle des précipitations. Il en va de même pour l'hiver par rapport à l'été. Ce qui est imprévisible reste imprévisible ». En dehors de l'agriculture, les prévisions saisonnières sont mises à profit dans les secteurs de l'eau (gestion de l'étiage de la Seine), de l'énergie (programmation de la maintenance des centrales nucléaires) ou encore pour jauger l'activité cyclonique aux Antilles.