Brexit : les filières agricoles planchent sur l'impact d'un "no deal"

Les secteurs impliqués dans le commerce bilatéral de marchandises avec le Royaume-Uni tentent d'évaluer les pertes économiques induites par un Brexit sans accord. Les Chambres d'agriculture estiment l'impact sur l'agro-alimentaire français à 500 millions d'euros. Mais de nombreuses incertitudes persistent.

Se préparer à agir afin de ne pas subir : depuis le vote du Brexit en juin 2016, les filières agricoles et agro-alimentaires françaises planchent sur les conséquences économiques et commerciales que pourrait engendrer cette sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Mais les incertitudes sur la date effective de sortie ainsi que sur les conditions (avec ou sans accord) compliquent la tâche. Lors d'un débat organisé le 20 juin par l'APCA (Assemblée permanente des chambres d'agricultures), la question de l'impact du Brexit sur les régions françaises a été abordé. « En cas de non accord, la région la plus touchée serait les Hauts-de France, avec une perte de près de 90 millions d'euros », a indiqué l'économiste Thierry Pouch. La région Grand-Est serait la deuxième (- 67 millions d'euros) puis la Nouvelle Aquitaine (- 65 millions d'euros). C'est le secteur boissons et alcools qui serait le plus touché, suivi du secteur des produits laitiers. Au total, l'APCA chiffre l'impact global du Brexit sur l'agro-alimentaire français à 500 millions d'euros. Le calcul prend en compte le rétablissement des frais douaniers et des barrières non tarifaires, ainsi que les fluctuations de la livre sterling par rapport à l'euro. 

Malgré cet impact économique, « il n'y a aucune raison que le marché des vins et spiritueux en Europe et au Royaume-Uni se modifie au niveau des habitudes de consommation », a estimé Nicolas Ozanam, délégué général de la Fédération des exportations de vins et spiritueux, ajoutant : « les palais britanniques vont continuer à apprécier nos produits ». Un optimisme qui n'est pas partagé par tous les secteurs. Des inconnues demeurent, notamment sur l'évolution possible de la consommation au Royaume-Uni si les prix des produits alimentaires venaient à augmenter. 

Concurrence exacerbée

Autre risque : celui de la désorganisation du marché si des volumes ne pouvant pas entrer au Royaume-Uni se retrouvent sur le marché européen. « Les produits laitiers irlandais pourraient par exemple se retrouver sur le marché européen au lieu du marché anglais, entraînant une baisse des prix du lait », a craint Berenger Guyonnet, directeur des affaires publiques de la coopérative Sodiaal.

Autre secteur directement concerné par le Brexit, la filière porcine se prépare aussi à d'éventuels bouleversements. « Le Royaume-Uni est un gros importateur de produits porcins et il est dépendant à 60% des importations, a rappelé Didier Delzescaux, directeur de l'interprofession Inaporc. En cas de sortie sans accord, le risque pour le porc européen est de se retrouver en compétition avec les pays du continent américain, qui ont des charges de production beaucoup plus faibles... »

Anticiper les procédures douanières

« En cas de non-accord, le Royaume-Uni devient un pays-tiers, et toutes les règles changent », a rappelé Christine Dubois, de la direction générales des douanes. « L'administration française s'est préparée à un Brexit sans accord, en recrutant 700 agents supplémentaires et en créant des nouveaux bureaux de douane » afin de faire face aux flux de camions aux frontières, a-t-elle précisé. Elle a engagé les acteurs des filières à « anticiper les procédures douanières », qui peuvent être chronophages pour les petites entreprises n'ayant pas l'habitude d'exporter vers les pays-tiers.

Mais pour les sociétés agro-alimentaires qui commercent avec le Royaume-Uni, se projeter dans un avenir incertain n'a rien d'évident, d'autant plus si il y a des investissements à réaliser. Pour accompagner les entreprises et pour répondre aux questions concernant le Brexit, l'Etat français a mis en place un site internet : « le Brexit en pratique ». Le Parlement britannique a désormais jusqu'au 31 octobre pour ratifier l'accord de retrait qui permettra un retrait « organisé » de l'UE, évitant ainsi le « no deal ».