Brexit : une double peine pour l’agriculture française

La France enregistre avec le Royaume-Uni un excédent commercial de 3 Mds € dans le secteur agroalimentaire. Le Royaume-Uni est par ailleurs un contributeur net au budget de la Pac. Les conditions de sa sortie de l’UE hypothèquent potentiellement l’agriculture française, filières viticole et laitière en tête.

Dans la soirée du mardi 15 janvier, le Parlement britannique a rejeté le projet d'accord de sortie de l'UE, conclu par les deux parties le 14 novembre dernier. Un vote qui laisse une place béante à toutes les conjectures possibles : élections législatives anticipées, nouveau référendum, Brexit sans accord (« no-deal » ), renégociation de l'accord avec l'UE, extension de l'article 50 du traité sur l'Union européenne, ce qui aurait pour effet de retarder la sortie du Royaume-Uni de l'UE fixée au 29 mars... sachant que les élections européennes ont lieu le 26 mai. Les scénarios sont multiples, l'expectative à peu près totale.

Union douanière

Une certitude : le Royaume-Uni est une pièce maîtresse de l'UE et les deux parties auraient intérêt à trouver une porte de sortie qui préserve les intérêts mutuels de chacun, notamment par le biais d'une union douanière négociée dans l'accord, ou plutôt, l'ex-accord. Le Royaume-Uni s'engageait à maintenir, vis-à-vis des pays tiers, les mêmes tarifs douaniers que l'UE, ce qui permettait d'éviter toute taxe douanière ou quota entre le Royaume-Uni et l'UE pour les biens industriels et agricoles, la pêche faisant l'objet d'un accord spécifique (voir encadré).

La France, 2ème fournisseur agricole

Au plan agricole justement, l'agriculture britannique, qui se place au 5ème rang de l'UE, est loin d'assurer l'autosuffisance alimentaire de l'île, avec un taux plafonnant à 62%. En 2015, son déficit commercial s'établissait à 31,6 Mds € La France ne s'en plaint pas : elle est, derrière les Pays-Bas, le 2ème fournisseur du Royaume-Uni. La France enregistre ainsi avec le Royaume-Uni un excédent commercial de 3 Mds € dans le secteur agroalimentaire. La France exporte majoritairement du vin (à hauteur de 31,5 % des exportations), des produits laitiers (11,4 %) et des préparations à base de céréales (9,4 %). Elle importe en retour des spiritueux, des produits de la mer et de la viande ovine notamment.

La France, 1er fournisseur viticole

La France, qui affiche bon an mal an un excédent commercial proche de 12 milliards € dans le secteur des vins et spiritueux, tous pays confondus, le doit pour partie à la Grande-Bretagne : 1,3 Mds € en 2017, selon la Fédération des Exportateurs de vins et spiritueux (FEVS). Notre pays est ainsi le premier fournisseur du Royaume-Uni en valeur (33 %), loin devant l'Italie (19 %) et l'Espagne (8 %) et troisième en volume, derrière l'Italie et l'Australie. Dans le secteur des vins en particulier, en 2017, le Royaume-Uni représentait 12,7 % des ventes françaises à l'export (n°2 derrière les Etats-Unis) en valeur et 12,3 % en volume (n°2 derrière l'Allemagne). En ce qui concerne les spiritueux, le Royaume-Uni représentait 5,3 % des ventes à l'export en valeur et 11 % en volume. A noter qu'en matière de spiritueux, le Royaume-Uni a aussi des intérêts à faire valoir puisqu'il exporte pour 2 Mds € en whiskeys et autres spiritueux vers l'Union européenne.

Un contributeur net de la Pac

Avec les échanges commerciaux, l'avenir du financement de la Pac est l'autre questionnement agricole du Brexit. Avec un solde de 2,9 Mds €, le Royaume-Uni est un contributeur net de la Pac. Sa sortie va engendrer une baisse du budget de 12 % pour une économie de 7 % des dépenses. Il appartiendra aux 27 Etats membres de compenser ou non la baisse de l'enveloppe. Les agriculteurs britanniques ont aussi de quoi s'inquiéter. Les aides européennes, qu'ils vont perdre, représentaient plus de la moitié de leurs revenus. Le gouvernement britannique s'est engagé à les compenser, au moins jusqu'en 2020.