"C’est le propre d’une entreprise de changer pour rester performante"

Comme toute entreprise, l’exploitation agricole doit s’adapter aux évolutions sociétales, technologiques ou encore réglementaires. Mais cette adaptation nécessite des changements qui peuvent être mal vécus par certains agriculteurs, impactant leur santé et la pérennité de leur activité. Comment rester performant tout en s’adaptant aux évolutions agricoles ? 5 questions à Sylvette Brissaud, conseillère en prévention des risques à la MSA et psychologue du travail.

A l'aube des années 2020, quelles sont les grandes évolutions auxquelles doivent s'adapter les agriculteurs ?

Sylvette Brissaud : Les agriculteurs font face aujourd'hui à des évolutions à la fois démographiques (un couple sur trois se sépare par exemple), techniques (les matériels sont de plus en plus sophistiqués) et sociétales (mouvements végan, demande pour la bio, etc.). Il est demandé aux agriculteurs de maintenir, voir d'accroître, leurs niveaux de production, tout en réduisant leur impact sur l'environnement et en faisant face à une diminution de main d'œuvre ! S'adapter à ce contexte nécessite du changement. C'est d'ailleurs le propre d'une entreprise de changer pour rester performante. Or, tout le monde n'a pas les mêmes capacités face au changement. 

Quelles sont nos différentes réactions face au changement ? 

S.B. : Le changement peut s'apparenter à un processus de deuil. Il commence par une phase de déni - par exemple, « cette réglementation ne s'appliquera pas à ma structure ». Vient ensuite une phase de résistance, qui est tout à fait naturelle car elle fait partie de notre instinct de survie. Mais selon nos niveaux de peurs, cette phase de résistance se transforme soit en action, soit en résistance permanente, ce qui peut mener à des états de stress chroniques. 

Comment cet état de stress se caractérise-t-il ?

S.B. : Face au stress, notre corps mobilise énormément d'énergie ce qui, à la longue, peut entraîner un épuisement. Les symptômes du stress sont multiples : troubles du sommeil, maux d'estomac, démotivation, irritabilité, perte de confiance en soi, agressivité, conduites addictives... Dans ces cas, il ne faut pas hésiter à demander de l'aide. 

Pourquoi le changement fait-il peur ? 

S.B. : Les causes des peurs sont multiples. Il y a la peur du regard des autres, celle d'être critiqué, celle de l'inconnu. Il y a la peur de l'échec, de perdre sa sécurité. Et puis il y a la peur d'être incompétent face à la nouveauté. Pour les agriculteurs, c'est par exemple la peur que l'on remette en question ses compétences agricoles. 

Quels conseils donnez-vous pour mieux appréhender le changement ? 

S.B. : Changer, c'est sortir de sa zone de confort. On peut commencer par de tout petits changements, comme par exemple prendre un trajet différent pour se rendre à sa coopérative. De cette façon, on habitue son cerveau au changement. On peut ensuite se lancer un petit défi par semaine : parler de ses projets à d'autres agriculteurs, visiter un salon agricole, prendre rendez-vous avec sa banque, etc. Sortir de sa zone de confort, c'est aussi se former, acquérir de nouvelles compétences et se confronter à d'autres opinions pour affronter ses peurs et se remettre en question. En rencontrant des personnes non issues du milieu agricole, des experts, des étrangers, des saisonniers, des enseignants... Elargir son cercle social est l'une des clés pour faire face au changement.