Commerce: les partisans d'un accord UE-Mercosur font le forcing

Les partisans d'un traité de libre-échange entre l'UE et le Mercosur, en négociation depuis bientôt vingt ans, appellent à profiter du retrait américain du commerce mondial et des bonnes dispositions du Brésil et de l'Argentine pour boucler un accord avant la fin de l'année.

"A un moment où le monde anglo-saxon se replie des deux côtés de l'Atlantique (...), nous devons profiter de cette opportunité pour renforcer les liens atlantiques entre l'UE et l'Amérique latine", a affirmé l'ex-ministre des Affaires étrangères espagnol, Josep Piqué, en allusion au Brexit et l'arrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis. "Il y a trop longtemps que l'on négocie", s'est plaint M. Piqué lors d'une conférence cette semaine à l'Institut d'études politiques (Sciences Po) de Paris consacrée à la relation entre l'UE et l'Amérique latine "face à la crise du multilatéralisme".

L'ex-ministre, dont le pays soutient ces négociations, a notamment reproché au Brésil et à l'Argentine d'avoir traîné les pieds. "Mais nous avons maintenant une fenêtre d'opportunité compte tenu des circonstances politiques dans ces deux pays", a-t-il souligné, rappelant que tant le président argentin Mauricio Macri que le brésilien Michel Temer voyaient d'un bon oeil cet accord... 18 ans après l'ouverture des négociations. Comme des élections sont prévues au Brésil l'an prochain, la volonté des partisans de boucler rapidement les négociations rappelle celle de ceux qui prônaient l'an dernier un accord d'urgence avec les Etats-Unis avant que Barack Obama ne quitte la Maison Blanche. D'autant que la dernière ronde de négociation s'est bouclée vendredi dernier à Brasilia dans l'optimisme général. Le vice-président de la Commission européenne, Jyrki Katainen, avait même estimé qu'un accord était à portée de main. Le prochain round de négociations est prévu à la fin du mois à Bruxelles.

Un accord à l'OMC ?

L'Argentine Susana Malcorra, qui présidera la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à Buenos Aires du 10 au 13 décembre, souhaite qu'un "accord politique" entre l'UE et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) soit annoncé à cette occasion. "Dans un contexte où le commerce mondial est remis en cause, il est fondamental que deux marchés aussi significatifs annoncent qu'ils sont prêts", a-t-elle expliqué à l'AFP lors de son passage à Paris, niant qu'il s'agisse "d'une réponse à qui que ce soit" et, en particulier, à M. Trump.   Le président américain a donné un sérieux coup de frein aux accords commerciaux en annonçant la sortie brutale de son pays de l'accord commercial de libre-échange Asie-Pacifique (TPP) et en menaçant d'en faire de même avec celui d'Amérique du Nord (Aléna). Dans ce contexte, l'annonce d'un accord UE-Mercosur "serait un symbole politique", a ajouté Mme Malcorra, insistant sur le besoin d'annoncer "des décisions concrètes" à un moment où les mesures protectionnistes se multiplient à travers le monde et où les accords commerciaux n'ont pas la cote auprès des opinions publiques.  

Pour parvenir à un accord avec le Mercosur, Bruxelles devra lever les réticences de la France, particulièrement inquiète des concessions à faire aux puissances agricoles du cône sud sur leurs exportations de boeuf et d'éthanol vers l'UE, en échange de meilleurs débouchés en Amérique latine pour les automobiles européennes. M. Katainen s'est voulu rassurant lundi: "La France serait l'un des plus grands bénéficiaires de cet éventuel accord. Cela donnerait des opportunités à l'industrie française et aussi à son secteur agricole", a-t-il affirmé. Pour les pays du Mercosur, cet accord aurait un autre avantage: il leur permettrait "d'équilibrer leurs relations économiques et d'être moins dépendant de la Chine", a expliqué à l'AFP l'Uruguayen Christian Daude, directeur de recherches socio-économiques à la Banque de développement andine (CAF). "Il serait risqué qu'il y ait une concentration des investissements et un seul partenaire commercial pour la stabilité économique de la région s'il se passe quelque chose un jour en Chine", a-t-il affirmé. Les discussions entre l'UE et le Mercosur avaient été suspendues en 2004, pour ne reprendre que six ans plus tard.

Pour en savoir plus : 

Un accord commercial UE-Mercosur à portée de main (UE)