Débat : faut-il rendre obligatoire l'assurance récolte ?

L’assurance récolte se développe doucement en France, ne représentant qu’un quart des surfaces. Des améliorations du dispositif sont permises avec le règlement européen Omnibus. Certains acteurs s’interrogent aussi sur l’intérêt de la rendre obligatoire, pour passer à la vitesse supérieure.

Qu'on se le dise, l'assurance récolte n'est pas le thème le plus facile à aborder en agriculture. Une assurance, c'est d'abord un prélèvement financier, une ligne de débit sur le compte bancaire d'une exploitation. L'assurance récolte s'est modestement développée en agriculture. Environ un quart des surfaces seraient couvertes. Néanmoins, le climat change. Les accidents climatiques sont « de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses », souligne François Schmitt, le président délégué de Groupama.

Un instrument de gestion du risque

Dans ces conditions, comment rendre la ferme France plus résiliente ? L'assurance récolte n'est pas la seule parade. Les politiques publiques et la stratégie de gestion propre à chaque agriculteur jouent un rôle important. L'assurance récolte constitue néanmoins un instrument de gestion du risque. Un outil que les pouvoirs publics et la profession agricole voudraient bien développer. Un règlement européen, l'Omnibus, vise à améliorer le dispositif, en baissant notamment le seuil de déclenchement de 30% à 20 %. Il reviendra à chaque Etat membre de le mettre en place. Une question, très sensible, se pose aussi dans les couloirs des organisations agricoles : faut-il rendre obligatoire l'assurance récolte ?

« Nous sommes contre »

« Nous sommes contre », tranche Jacques Commere, le responsable de l'Organisation des producteurs de grain (OPG) à la Coordination rurale. « En agriculture, il y a d'autres façons de s'assurer que d'aller voir un assureur », insiste-t-il. Il cite ainsi le choix des assolements, l'alternance des cultures... Jacques Commere estime que les assurances climatiques sont à « des tarifs très élevés » et que « les agriculteurs sont souvent déçus ». Son avis sur les avancées permises par le règlement Omnibus ? « Les tarifs des assureurs vont augmenter en conséquence ».

Il soulève également un problème égalitaire : « ce sont dans les régions les plus à risque que les assurances sont à des tarifs les plus élevés ». Dans ces régions, les agriculteurs seraient donc moins enclins à s'assurer. Or, les subventions allouées à l'assurance récolte sont prises dans l'enveloppe du premier pilier de la PAC, consacré au paiement des aides directes.

« Manque de transparence »

« L'assurance récolte ne fonctionne pas », estime Jacques Pasquier, agriculteur dans la Vienne et membre de la Confédération paysanne. « Ceux qui s'assurent sont souvent les moins fragiles économiquement », déplore-t-il. Il dénonce aussi le fait que « les modalités d'assurance ne sont pas claires » et regrette un « manque de transparence » de la part des assureurs. Si l'assurance récolte se répandait massivement, Jacques Pasquier estime que le budget nécessaire au sein de la PAC « dépasserait le milliard ». Il s'inquiète d'une amputation des autres aides de la PAC.

Le syndicat met en avant un autre outil de gestion du risque : des fonds mutualisés qui pourraient être alimentés par l'État, la PAC, les agriculteurs et pourquoi pas l'ensemble de la filière aval.

Une assurance « incitative »

Après débat, la FNSEA s'est positionnée pour une assurance « incitative ». En d'autres termes, un agriculteur devrait disposer d'une assurance récolte pour avoir accès à certains dispositifs d'accompagnement.

« Très favorable à l'assurance récolte », Jérôme Volle voit le règlement Omnibus comme une opportunité, d'autant qu'il répond selon lui à « une attente forte des agriculteurs ». Mais ce spécialiste de la question assurantielle au sein de la FNSEA identifie encore des marges de progression concernant l'assurance récolte. « Il existe un gros débat sur la moyenne quinquennale », explique-t-il. Celle-ci est prise en compte pour calculer le rendement de référence, en enlevant les deux extrêmes. Certains agriculteurs voient leurs résultats affectés pour la troisième année consécutive, donc ils n'ont plus aucun intérêt à s'assurer avec un tel système de calcul.

« Une vraie chance »

« Le règlement Omnibus est une vraie chance, renchérit François Schmitt, de Groupama. Il faut que les États membres se saisissent de la possibilité de le mettre en œuvre ». Le président délégué estime qu'« il faut un socle de cotisation qui représente au moins deux hectares sur trois pour garantir la pérennité technique de l'assurance récolte ». Ce dernier prend exemple sur les pays Outre Atlantique, où l'assurance récolte est plus répandue. « Dans ces pays, un contrat d'assurance est obligatoire pour obtenir un prêt à la banque, commente-t-il. Quand la mutualisation est très importante, les cotisations baissent les bonnes années, puis elles augmentent ensuite. Mais personne ne quitte le navire ». François Schmitt estime donc nécessaire de mettre en place « une contrainte douce » ou une « incitation forte » pour développer l'assurance récolte en France.

« Des contrats trop larges »

Chez les Jeunes agriculteurs, la position est plus partagée. « Je suis assez inquiet », confie Nicolas Farthou, administrateur national chez JA. « Tous les contrats ne correspondent pas aux risques de toutes les exploitations. Les contrats sont trop larges et pas assez spécifiques en fonction des régions et des filières ». Il constate « encore beaucoup de travail à faire chez les assureurs ». Il émet donc des réserves sur l'idée d'obliger l'agriculteur à souscrire une assurance pour avoir accès à telle ou telle aide.

Par ailleurs, les Jeunes agriculteurs souhaitent séparer le conseil et la vente de contrats d'assurances. Une idée dont ils discutent actuellement avec un organisme d'assurance. Dans tous les cas, « l'assurance n'est pas l'outil miracle à tous les maux », résume Nicolas Farthou. S'il est favorable à l'assurance privée, il souhaite qu'elle soit intégrée « dans une palette d'outils » plus large.

Pour en savoir plus, lisez le dossier : assurance climatique, comment trouver la bonne ?