Disparition « sournoise » de terres agricoles : la Safer fait la police

En Île-de-France, les élus locaux sont aujourd’hui beaucoup plus sensibilisés à la protection du foncier agricole et les outils plus nombreux. La crise économique a également calmé les ardeurs des maîtres d’ouvrage… Mais pour combien de temps ?

L'époque où de grands espaces agricoles sont arrachés à leur vocation nourricière est-elle révolue ? En Île-de-France, la situation semble meilleure en 2017 que dans les années 1960. « 4000 hectares par an pouvaient être consommés pour la création de villes nouvelles » dans les années 1960-1970, rappelle Pierre Missioux, le directeur de la Safer Ile-de-France. L'artificialisation des terres agricoles oscille désormais entre 1000 et 1500 hectares par an.

Aujourd'hui, les élus des communes rurales et périurbaines sont beaucoup plus sensibles à l'importance de la préservation des terres agricoles. Pierre Missioux constate une « prise de conscience » salutaire dans leurs rangs. Ils peuvent s'appuyer sur de nouveaux outils pour lutter contre l'artificialisation des sols : l'Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers (OENAF) ou encore la lutte de la Safer contre le mitage des terres. 

L'État bon élève ?

Cependant, « l'État ne fait pas toujours figure de bon élève », regrette le directeur de la Safer Ile-de-France. « Il fait souvent des promesses qu'il ne tient pas, comme celle de ne pas consommer de terres agricoles en dessous de l'autoroute A4, au Sud de Marne-la-Vallée. Or, un village nature est apparu », commente-t-il.

Si la situation s'est améliorée, c'est aussi la conséquence de la crise bancaire et financière survenue en 2008, qui a donné un coup d'arrêt à de nombreux projets de construction. Mais depuis deux ans, le marché de l'urbanisation repart à la hausse, ce qui laisse craindre une nouvelle accélération de l'artificialisation des terres.

Conséquence du phénomène Internet : beaucoup de superficies logistiques s'implantent autour de Paris, des entrepôts très gourmands en terres agricoles. Plusieurs zones sont particulièrement menacées par l'expansion urbaine : le nord-est de Paris et les environs de Roissy, le triangle de Gonesse avec le projet Europa City et plus généralement le long des grands axes autoroutiers.

Une consommation « sournoise » de foncier

La Safer d'Île-de-France fait aussi la police concernant « la consommation sournoise de foncier », signale Pierre Missioux. « Plus on est proche de Paris et plus il existe de petites parcelles agricoles sur lesquelles pèsent une pression extrêmement forte », indique-t-il. Pour le propriétaire du terrain, la tentation est grande de détourner ces sols de leur usage initial, même si la pratique n'est pas conforme à la réglementation.

«Nous sommes en lutte contre le mitage des terres agricoles depuis 17 ans, grâce au soutien de l'État de la Région », explique le directeur de la Safer. Son organisme reçoit entre 6000 et 6500 notifications de vente par an. La Safer a passé une convention avec 700 communes pour les informer en temps réel grâce à une plateforme informatique. « Elles peuvent nous demander d'intervenir par préemption et prendre un engagement de rachat », précise-t-il. La Safer réalise autour de 200 interventions de ce type par an. Cette action porte ses fruits, mais le directeur de la Safer s'inquiète pour l'avenir du dispositif, si la diminution des dotations allouées aux collectivités locales venaient à réduire leur capacité d'acquérir. 

Pour en savoir plus, découvrez notre dossier : artificialisation des sols, halte aux bétonnières!