E. Leclerc, une grosse faim de bio

L’enseigne vient d’inaugurer son premier magasin « Le marché Bio E. Leclerc » à Saintes (Charente-Maritime). Le distributeur promet de rogner sur ses marges, pas sur celles des producteurs.

Après un magasin test en Côte-d'Or, le groupe E. Leclerc vient d'inaugurer son nouveau concept de magasin 100 % bio. Situé à Saintes (Charente-Maritime), le magasin couvre 400 m2 et affiche 5.000 références. Ce nouveau concept de Marché bio, qui devrait faire l'objet de 200 ouvertures à la travers la France d'ici à 2022, est en quelque sorte le troisième étage de la fusée E.Leclerc pour asseoir ses propres parts de marché dans la bio. Les deux autres étages sont constitués des « corner bio » développés dans ses supermarchés et hypermarchés, à raison de 2.000 à 2.500 références et de la marque de distributeur « Bio Village », comptant actuellement 600 références. Les produis bio représentent aujourd'hui près de 4 % du chiffre d'affaires de l'enseigne (37,2 milliards d'euros hors carburant). E.Leclerc est actuellement le deuxième distributeur national de produits bio derrière Bioccop et faisant jeu égal avec Carrefour. « Notre objectif est, d'ici à 4 ou 5 ans, de doubler notre chiffre d'affaires en bio et de passer à 8 % », a déclaré Michel-Édouard Leclerc, président du groupement. « C'est un marché qui ne doit pas opposer des chapelles,  grandes surfaces, marchés spécialisés, magasins urbains, vente à domicile car c'est un marché qui doit être accessible à tous. Au départ, c'est un marché qui a émergé grâce à des militants, grâce à des producteurs engagés. Il faut aujourd'hui participer à ce que tous les Français puissent manger du bio, parce que c'est plus sain, tracé. C'est aussi une manière de reprogrammer le modèle alimentaire français devenu un peu trop productiviste ».

Pas de « super marges »

Interrogé sur l'origine géographique des produits qui seront vendus dans cette enseigne, le patron des centre Leclerc répond que l'objectif est que « l'essentiel » vienne de France, sans donner de proportions. Quant à son positionnement prix, Michel-Édouard Leclerc assure que, le but étant une « meilleure rémunération des producteurs » à travers le bio, « nous n'en profiterons pas pour faire de super marges (...). L'idée, c'est de créer des filières, avec des contrats d'approvisionnement, des engagements longs, plus rémunérateurs pour les producteurs et valorisants pour les marques, avec des signes de qualité, de traçabilité ». L'an dernier, l'association de consommateurs Que Choisir avait publié une étude pointant justement ce phénomène de « super marges » en grandes surfaces, les généralistes comme les spécialistes. Sur la base de 39 500 relèves de prix dans 1518 magasins, un panier bio constitué de 30 produits représentatifs (fruits et légumes, viande, épicerie, boissons...) était ressorti 70 % plus cher en supermarché et hypermarché que le même panier non bio. Et dans les magasins bio, le surcoût atteignait 118 % par rapport au même panier non bio en grandes surfaces. Pour les légumes en particulier, le surcoût moyen dépassait les 166 % en grandes surfaces contre 100 % en magasin bio spécialisé, comparativement au même panier de fruits et légumes conventionnel acheté en grandes surfaces. Selon Que Choisir, les niveaux de marge outrepassent largement les surcoûts inhérents au mode de production bio, à savoir des rendements moindres et des coûts de production plus élevés, notamment en main d'œuvre. Ces deux paramètres seraient responsables de moins de la moitié de surcoûts, ce qui laisserait l'autre moitié dans la poche des distributeurs.

Du bio mais pas seulement

Selon l'Agence bio, les fruits et légumes sont les produits préférés des consommateurs de produits bio. Ils garnissent le panier de 78 % des clients, devant les produits laitiers (71 %), les œufs, (65 %), les produits d'épicerie (51 %) et la viande (49 %). D'où l'appétit des enseignes, redoublé par la croissance du marché. En 2017, la valeur des achats des produits alimentaires issus de l'agriculture biologique a augmenté de 17 % pour s'établir à 8,37 milliards d'euros, dont 94% captés par la consommation à domicile. La bio représente ainsi représente ainsi 4,4 % de la consommation générale de produits alimentaires en France. « Le marché bio, je sais pas s'il excèdera 8 à 10 % de l'offre alimentaire », confiait Michel-Édouard Leclerc au journal Sud-Ouest. « Nous n'avons pas en France les surfaces agricoles correspondant à ces besoins. Mais il y a d'autres modes de production tels que la Haute valeur environnementale ou encore les productions avec allégations, tels que le sans Ogm ou le vegan ».