L’agriculture, à la fois responsable et victime du déclin de la biodiversité

Un million d'espèces animales et végétales menacées d'extinction : c'est le bilan accablant que dressent des scientifiques du monde entier dans un rapport publié le 6 mai. Et si l'agriculture fait partie des causes de ce déclin, elle en subit aussi les conséquences.

C'est un rapport historique sur l'évolution de la biodiversité mondiale qui a été dévoilé le 6 mai par la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Elaboré par 145 experts issus de 50 pays, ce rapport est « le document le plus exhaustif réalisé à ce jour », indique l'IPBES, dont la dernière session plénière s'est tenue à Paris du 29 avril au 4 mai. 

Le rapport estime qu'environ 1 million d'espèces animales et végétales sont aujourd'hui menacées d'extinction, notamment au cours des prochaines décennies, « ce qui n'a jamais eu lieu auparavant dans l'histoire de l'humanité »

Parmi les facteurs responsables de cette dégradation, l'organisme intergouvernemental mentionne « les changements d'usage des terres et de la mer, l'exploitation directe de certains organismes, le changement climatique, la pollution et les espèces exotiques envahissantes ».

Impact de l'agriculture

Selon les experts, les pertes d'écosystèmes liées à l'expansion de l'agriculture varient d'un pays à l'autre. « Les pertes d'écosystèmes intacts se sont produites principalement dans les tropiques, qui ont les plus hauts niveaux de biodiversité de la planète, précise le rapport. Par exemple, 100 millions d'hectares de forêts tropicales ont été perdus entre 1980 et 2000, en raison principalement de l'augmentation de l'élevage du bétail en Amérique latine (environ 42 millions d'hectares) et des plantations en Asie du Sud-Est (environ 7,5 millions d'hectares, dont 80 % destinés à l'huile de palme) ». 

Et si l'agriculture porte sa part de responsabilité dans la dégradation des écosystèmes, elle en est également devenue la victime. Le rapport montre par exemple que « la dégradation des sols a réduit de 23 % la productivité de l'ensemble de la surface terrestre mondiale » et qu'une partie de la production agricole « est confrontée au risque de disparition des pollinisateurs ».

Face à cette situation, l'IPBES présente un éventail d'actions en faveur du développement durable dans les secteurs de l'agriculture, de la forêt, de l'eau, mais aussi en ce qui concerne les zones urbaines, l'énergie, les finances, etc. 

Pour l'agriculture, le rapport met l'accent sur l'agroécologie, sur « l'engagement plus fort de tous les acteurs du système alimentaire (y compris les consommateurs) », sur une gestion plus intégrée des paysages et des bassins versants, sur la conservation de la diversité génétique et des races locales, ainsi que sur « des approches qui responsabilisent les consommateurs et les producteurs grâce à la transparence des marchés, à l'amélioration de la distribution et de la localisation (qui revitalisent les économies locales), la réforme des chaînes d'approvisionnement et à la réduction du gaspillage alimentaire ». 

Engagements de la France

Suite à sa rencontre avec les scientifiques de l'IPBES, Emmanuel Macron a fait savoir que ce rapport sera « le fondement scientifique de la mobilisation et des négociations internationales au cours de l'année à venir ». 

Le chef de l'Etat a réaffirmé les objectifs du gouvernement français en matière de protection de la biodiversité : la réduction de moitié de l'utilisation des produits phytosanitaires d'ici 2025, la fin de l'importation des produits agricoles issus de la déforestation d'ici 2030 et la rémunération des agriculteurs qui s'engagent pour l'environnement (à travers une expérimentation de paiement pour services environnementaux). Le gouvernement a promis pour 2019-2020 une enveloppe de 150 millions d'euros « pour rémunérer les agriculteurs qui s'engagent dans plantation de haies, mettent en œuvre des mesures pour sauvegarder les abeilles, préserver des zones humides, passent au bio, réduisent l'utilisation de pesticides, etc ».

Reste que la France seule n'aura que peu d'impact sur l'évolution de la biodiversité au niveau mondial. Emmanuel Macron entend donc « porter son ambition au niveau européen » ainsi qu'au niveau mondial, dans la perspective de la COP « biodiversité » d'octobre 2020 en Chine.