La Pac, source d'inégalités en France ?

C’est ce qu’affirme la Cour des comptes dans un référé rendu public jeudi. Mais son étude s’arrête à 2015, qui marque l’entrée en application de la dernière réforme, un tant soit peu plus équitable. Une réorientation que la Pac 2021-2027 pourrait accentuer.

La Cour des comptes a observé l'évolution de la répartition des aides directes du fonds européen agricole de garantie (FEAGA): ce fonds, qui constitue l'essentiel de la politique agricole commune (PAC), a représenté en moyenne 7,8 milliards d'euros par an en moyenne de 2008 à 2015 pour la France. En 2015, écrit la Cour des comptes, "10% des bénéficiaires (33.000 exploitants) ont perçu moins de 128 euros par hectare d'aides directes découplées (droits à paiement de base), alors qu'à l'autre extrémité, (...) 10% des bénéficiaires ont perçu plus de 315 euros/ha".

Selon l'institution, ces écarts, "fondés sur des situations historiques révolues", sont "l'héritage de situations historiques qui ont été cristallisées en 2006 sur la base des montants moyens des déclarations PAC des années 2000 à 2002". Elle ajoute que les modalités de répartition de ces aides "avantagent les grandes exploitations et celles dont les activités sont les plus rentables". En 2015, le montant de l'aide directe moyenne par exploitant pour les structures les plus grandes (22.701 euros) était supérieur de 37% à celui des exploitations les plus modestes (16.535 euros), toutes spécialisations confondues, affirme la Cour.

Pac 2014-2020

Si les chiffres de la Cour des comptes ne prêtent pas à discussion, ils mériteraient (ou mériteront) d'être actualisés aux années les plus récentes. Car entre-temps s'est mise en œuvre la réforme de la Pac, couvrant la période 2014-2020. A cette occasion, la France avait décidé de se saisir de tous les leviers possibles pour amorcer un rééquilibrage des aides, notamment au bénéfice de l'élevage. A compter de 2015, la France avait ainsi fait le choix de consacrer à ce secteur une enveloppe annuelle de 955 M €, soit 13% des aides directes du 1er pilier, le maximum autorisé par l'UE, auxquelles s'ajoutaient 2 % bénéficiant à la production de protéines végétales (légumineuses fourragères, pures ou en mélange, soja, protéagineux, luzerne déshydratée et semences fourragères).

Destinée à maintenir l'activité agricole dans les zones défavorisées (montagne, piémont et zone défavorisée simple), l'Indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) avait vu son enveloppe augmenter de près de 40 %, comparativement à la période précédente. La sur-dotation des 52 premiers ha ainsi que la convergence des aides à l'horizon 2019 constituaient d'autres marqueurs de cette volonté de rééquilibrage.

Projet de Pac 2021-2027

Cette tendance ne devrait pas être démentie par la Pac post-2020, en cours de négociation, dont la Commission européenne a arrêté les grandes lignes politiques et budgétaires. Dans son projet, dévoilé fin 2018, la Commission entend discerner les « vrais » agriculteurs et assurer un niveau de soutien par hectare plus élevé́ aux petites et moyennes exploitations.

Elle propose également de réduire les paiements à partir de 60 000 € et de les plafonner à 100 000 € par exploitation. Les secteurs de produits spécifiques en difficulté́ continueraient de bénéficier de soutiens couplés pour les aider à améliorer leur compétitivité́, leur durabilité́ ou leur qualité́. Chaque État devrait réserver aux jeunes agriculteurs l'équivalent de 2 % de leur allocation en soutiens directs.

Le relèvement des exigences environnementales et climatiques, par le biais notamment de mesures d'éco-conditionnalité s'appliquant aux paiements directs, est aussi dans les tuyaux. Des tuyaux plus petits : à 365 Md €, le budget global de la Pac 2021-2027 afficherait une baisse de 17 % par rapport à la période en cours.