« Le Saint-nectaire est très bien armé face aux demandes sociétales »

Patrice Viala, directeur général des fromageries Paul Dischamp et nouveau président de l’Interprofession Saint-nectaire, fait de la promotion de l’AOP une priorité.

Élu en septembre dernier à la tête de l'Interprofession Saint-nectaire dont il représente le collège transformateur, Patrice Viala est le nouveau venu de la filière. Directeur général des Fromageries Paul Dischamp depuis 2017, sa carrière repose sur une longue expérience dans l'industrie des fromages pasteurisés « marquetés ».  Le Saint-nectaire, son AOP, sa production si particulière et l'engagement de chaque acteur amont et aval, est à l'opposé de son ancien métier. L'ingénieur agroalimentaire a pris le train en marche...
Comment avez-vous atterri ici ? 

J'avais très envie de découvrir le secteur des AOP fromagères. Les appellations sont inscrites dans la tendance actuelle et qui plus est, les AOP d'Auvergne sont très bien armées pour répondre aux demandes actuelles des consommateurs. Ces derniers ont moins confiance dans les grandes marques. Ils ont envie de se rapprocher d'un système de production territorial, garanti par un cahier des charges.
Je connaissais le Saint-nectaire en tant que consommateur. À mon arrivée, j'ai été agréablement surpris de voir à quel point la filière est structurée. L'ISN et l'ensemble de ses acteurs ont cette force incroyable, d'avoir la volonté d'avancer dans le même sens. Il faut continuer dans cette voie. 
Justement, quel chemin souhaite se tracer l'AOP Saint-nectaire pour les années à venir ?

Un plan stratégique, reposant sur cinq points clés, a été établi par le conseil d'administration, jusqu'en 2025. D'ailleurs, tous les opérateurs habilités Saint-nectaire, les acteurs de la filière et les élus locaux recevront mi-janvier un guide dans lequel sont détaillées toutes les orientations de l'AOP. 
Le premier axe, et le plus important à mon sens, concerne le renouvellement des producteurs. Depuis 10 ans, le nombre de producteurs laitiers, et donc le volume collecté, ne cesse de diminuer. Nous avons un besoin urgent de pérenniser la production laitière. N'oublions pas qu'il existe un équilibre dans la filière, entre Saint-nectaire fermier et Saint-nectaire laitier. L'un ne peut exister sans l'autre. Les laiteries ont besoin d'un certain volume pour maintenir leur activité. Tous les producteurs n'ont pas la volonté et/ou les moyens économiques, humains et structurels de fabriquer leurs fromages.
Seulement, il semblerait que le prix du lait payé aux producteurs de la zone Saint-nectaire fasse défaut malgré les récentes améliorations...

Il est certain que pour installer des jeunes nous devons leur donner une vision économique claire, un équilibre financier et rendre accessible le foncier. Oui, il faudrait l'augmenter mais pour faire cela, sans mettre en danger quel acteur que ce soit, il faut avant tout une revalorisation du produit en lui-même. Le Saint-nectaire est la troisième AOP au lait de vache de France. Pourtant, en termes de valorisation, nous sommes bien en dessous du Comté et autres fromages de Savoie !
Quelle stratégie adopte l'ISN pour combler ce retard de valorisation ?

Un très gros travail de communication sur les spécificités de l'AOP a été entamé. Nous devons amener les consommateurs à prendre conscience de la naturalité, de l'authenticité et du savoir-faire qui se cachent au cœur du Saint-nectaire. Nous devons également leur expliquer qu'entre un Saint-nectaire fermier et laitier, la production de lait repose sur le même cahier des charges. Seules les étapes de transformation diffèrent ! Nous avons tellement de choses à leur faire découvrir. Le Saint-nectaire a la force du Bio mais, comme toutes les AOP, il repose sur de nombreux fondements parfois difficiles à expliquer au grand public. Notre stratégie de communication est donc simple : marquer les esprits. Notre présence au Salon International de l'Agriculture, le Saint'Nec Truck... sont autant d'outils dont nous devons user et abuser.

Propos recueillis par Mélodie Comte