Mercosur : un accord "inacceptable" pour les agriculteurs

L’annonce de la signature de l’accord UE-Mercosur le 28 juin est largement fustigée par les agriculteurs français et européens, qui dénoncent depuis des mois les conséquences d’un tel traité sur l’agriculture européenne.

Dès l'annonce de l'accord, les tweets et autres communiqués courroucés se sont multipliés, contrastant avec les larges sourires des négociateurs sud-américains et de la Commission européenne, satisfaits de ce compromis jugé "historique" après 20 ans de discussions.

"Quelques semaines après l'élection européenne, inacceptable signature d'un accord Mercosur-UE qui va exposer les agriculteurs européens à une concurrence déloyale et les consommateurs à une tromperie totale", a twitté la président de la FNSEA Christiane Lambert sur le slogan "n'importons pas l'agriculture et l'alimentation que nous ne voulons pas chez nous". En cause, les quelque 99 000 tonnes de viande bovine - imposées au taux préférentiel de 7,5% - que les quatre pays latino-américains devraient pouvoir exporter vers l'UE, fragilisant un peu plus les 85 000 éleveurs français de vaches allaitantes.

Le commissaire européen à l'Agriculture Phil Hogan a promis suite à la signature de l'accord "une aide financière" jusqu'à un milliard d'euros "en cas de perturbation du marché". Mais pour les éleveurs français, les pratiques sud-américaines illustrent un double-standard de production entre les deux continents : antibiotiques utilisées comme hormones de croissance d'un côté assorties de déforestation, contre toujours plus de normes environnementales côté européen.

Les tweets des responsables agricoles montrent l'abattement et l'ampleur de l'incompréhension face à un accord qui menace leur survie. La Confédération paysanne a dénoncé le "sacrifice de l'agriculture et l'élevage sur l'autel d'un commerce cannibale et d'une course folle à la croissance au détriment du climat, de la planète et des hommes". "A quoi bon demander en France et en Europe une montée en gamme en termes de qualité et de respect de l'environnement si c'est pour importer des produits contraires à cet effort ?" s'interroge le syndicat Jeunes Agriculteurs (JA).

Grande braderie

Le plus déçu est sans doute Jeremy Decerle, ancien président des Jeunes agriculteurs (JA) et tout nouveau député européen de la liste Renaissance soutenue par Emmanuel Macron. "En parfaite transparence, un vendredi soir, l'accord commercial UE Mercosur est conclu par la commission sortante. Les consommateurs et les agriculteurs méritaient plus de respect. En tant que député européen je ne peux pas l'approuver" a-t-il écrit.

Selon la Fédération nationale bovine (FNB), le rythme de baisse du nombre d'élevages bovins a doublé depuis 2017 en France, à 1 500 ces dernières années. "Il est toujours important de savoir qui, au nom des chefs d'Etat et de gouvernement, organise la grande braderie de l'élevage européen", s'interroge Jean-Pierre Fleury, président du groupe de travail viande bovine au sein du syndicat agricole européen Copa-Cogeca. M. Fleury avait lancé l'alerte en 2018 sur l'existence de risques sanitaires au Brésil notamment où la "traçabilité des animaux est inexistante".

La Copa Cogeca a fustigé "une politique commerciale à deux poids et deux mesures", qui élargit "le fossé entre ce qui est demandé aux agriculteurs européens et ce qui est toléré des producteurs du Mercosur", dont les normes sanitaires et environnementales ne sont pas les mêmes qu'en Europe.

"On fait quoi ? On reste dans nos fermes ou on va chercher Didier Guillaume et Emmanuel Macron pour qu'ils nous expliquent l'accord ??" lance pour sa part Vincent Noël, éleveur de bovins et membre des JA en Mayenne.