Mutagénèse et OGM : les réactions des organisations agricoles

La plupart des syndicats et organisations professionnelles agricoles estiment que la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne constitue un handicap pour l’agriculture et la recherche végétale, à l’aube de nouveaux défis climatiques et environnementaux. La Confédération paysanne salue quant à elle une victoire.

Dans un arrêt publié le 25 juillet dernier, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé que les semences obtenues par mutagenèse entraient dans le cadre réglementaire fixé par la directive 2001/18/CE, autrement dit qu'elles étaient des OGM et à ce titre interdites d'usage au sein de l'UE. Cette décision exclut de fait le recours à des techniques récentes d'édition du génome ayant abouti part exemple à la création de variétés de colza et de tournesol tolérantes à des herbicides, par activation de certains gènes présents dans le génome des espèces concernées. La CJUE ne jette pas totalement l'opprobre sur la mutagenèse et les variétés qu'elle a engendrées depuis des décennies, pour peu qu'elles soient antérieures à l'adoption de la directive, c'est à dire 2001. Une précaution justifiée par l'antériorité et l'innocuité avérée des process et qui permet ainsi de préserver des variétés de blé ou de triticale, cultivées aujourd'hui en bio comme en conventionnel.

Des avantages multiples selon les semenciers

L'Union française des semenciers (UFS), qui fédère quelque 130 entreprises implantées en France, s'étonne de la décision, « en contradiction avec l'opinion formulée il y a quelques semaines par l'avocat général ». L'organisation « déplore cette décision déterminante, qui va priver les entreprises semencières et les agriculteurs européens des outils les plus prometteurs pour répondre aux enjeux agricoles, environnementaux et climatiques du XXIème siècle ». L'UFS considère les techniques d'édition du génome, qui permettent d'activer les gènes intéressants, parmi les plus prometteuses des techniques récentes. « Les travaux publiés montrent tout l'intérêt de ces méthodes pour la résistance aux maladies et aux ravageurs des cultures, la tolérance à la sécheresse, la qualité nutritionnelle », avance l'UFS.

Un Contrat de solutions amputé

Dans un communiqué commun, l'AGPB, l'AGPM, la CGB, la FOP et la FNSEA estiment « qu'une agriculture en panne d'innovation variétale ne pourra relever l'ampleur des défis climatiques et environnementaux et répondre aux attentes des consommateurs qui demandent en particulier une agriculture utilisant moins de produits phytosanitaires ». La sélection variétale figure en effet en bonne place du Contrat de solution présenté le 11 juillet dernier par la FNSEA pour réduire la dépendance de l'agriculture aux produits phytopharmaceutiques. Les cinq organisations soulignent également le poids de l'industrie semencière dans la balance commerciale française. « La production de semences, fortement exportatrice est l'un des fleurons de l'agriculture française...  L'application systématique de la Directive OGM à l'ensemble des outils modernes de sélection variétale est de nature à isoler l'Europe de toute innovation en la matière ».

Une victoire pour la Confédération paysanne

La Confédération paysanne est l'une des neuf organisations non gouvernementales à l'origine de la procédure initiée en 2015. A ce titre, le syndicat se réjouit de la décision de la CJUE, évoquant « une victoire non seulement pour les neuf organisations requérantes à l'origine d'une longue procédure entamée il y a plus de 4 ans, mais surtout pour l'ensemble des paysans, des consommateurs et des citoyens européens. Notre liberté de refuser de cultiver ou de consommer des OGM et notre droit de vivre dans un environnement sain sont confortés par cette décision. ». La Confédération paysanne appelle l'UE et le gouvernement français à appliquer strictement cette décision. Elle demande la suspension immédiate de la culture des variétés rendues tolérantes aux herbicides par diverses techniques et réclame le financement de programmes de recherche afin d'identifier les techniques utilisées. Elle exige enfin que les obtenteurs rendent publique l'intégralité des techniques utilisées lors de toute inscription au catalogue.