OGM : les organisations agricoles réclament un "principe d’innovation"

La décision du Conseil d’Etat d’inclure les variétés obtenues par mutagénèse parmi les OGM « freinera l’innovation et la compétitivité agricole française », alertent vingt-sept organisations professionnelles agricoles dans une lettre commune.

Dans une décision rendue publique le 7 février 2020, le Conseil d'État a jugé que « les organismes obtenus par certaines techniques de mutagenèse [devaient] être soumis à la réglementation relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM) ». Jusqu'à présent, le droit français incluait parmi les OGM les organismes obtenus par transgenèse, mais pas ceux obtenus par mutagenèse. Cette technique concerne notamment les variétés de plantes rendues tolérantes aux herbicides (VTH), qui représentent en France entre 20 et 30% des surfaces de tournesol et 2 à 5% des surfaces de colza. Ces VTH avaient récemment été épinglées par l'Anses dans un rapport du 26 novembre 2019 pointant le risque de développement d'adventices résistantes aux herbicides et d'utilisation accrue de désherbants.

« Le Conseil d'État juge que les organismes obtenus au moyen des techniques de mutagenèse qui sont apparues ou se sont principalement développées depuis l'adoption de la directive de 2001 [directive européenne sur les OGM, NDLR] doivent être soumis aux obligations imposées aux OGM par cette directive », a indiqué le Conseil d'État dans un communiqué de presse. « En revanche, les variétés obtenues au moyen de techniques plus anciennes, dont la sécurité est avérée depuis longtemps, ne sont pas soumises à ces obligations », est-il précisé.

Le Gouvernement devra identifier, dans un délai de neuf mois, les variétés de plantes agricoles obtenues par mutagenèse qui ont été inscrites au catalogue officiel des plantes cultivées sans avoir fait l'objet de la procédure d'évaluation des risques applicable aux OGM, « alors qu'elles auraient dû y être soumises du fait de la technique utilisée pour les obtenir, poursuit le Conseil d'État. Cela pourra amener en pratique à retirer les variétés concernées du catalogue et à en suspendre la culture ».

Dans une lettre commune publiée le 7 février, vingt-sept organisations professionnelles agricoles, parmi lesquelles Arvalis, l'Union française des semenciers (UFS), La Coopération Agricole (ex-Coop de France), la FNSEA et les JA, alertent le gouvernement sur « les risques générés par cette jurisprudence », pouvant porter « un coup d'arrêt à l'innovation portée par la sélection variétale ».

Les filières agricoles et alimentaires « attendent beaucoup de la sélection variétale pour répondre à différents enjeux comme l'adaptation des cultures au changement climatique, la réduction des traitements grâce à la résistance aux ravageurs et maladies, l'amélioration des qualités organoleptiques et nutritionnelles, l'offre de matières premières adaptées aux cahiers des charges des industries alimentaires, le développement d'une offre locale tant attendue des consommateurs », affirment les organisations professionnelles.

« La commission européenne a pris en compte le décalage entre le champ des possibles offert par la sélection variétale et le cadre juridique actuel en initiant deux études d'impact sur le sujet », poursuivent les organisations dans leur lettre. Dans ce contexte, elles demandent que le gouvernement français préserve « un principe d'innovation » et « mesure les conséquences de la décision du Conseil d'État au regard des réflexions européennes qui débutent ».

Le Gouvernement a indiqué qu'il étudiera « de manière approfondie la décision du Conseil d'Etat, afin de la mettre en œuvre en prenant en compte l'avis de l'Anses du 26 novembre dernier et conformément à la réglementation européenne ».