Quand le covid-19 révèle d’autres maladies

La pandémie qui touche actuellement le monde a déclenché des premiers effets collatéraux particulièrement dévastateurs pour les pays en état de fragilité économique. Alors que les Etats sont en train de fermer progressivement leurs frontières, certains d’entre eux sont en train de sombrer dans des proportions encore inimaginables .

La maxime selon laquelle " un État ne peut pas faire faillite ", déjà mise à mal lors de la précédente crise économique, l'exemple de la Grèce étant encore dans les mémoires, risque à nouveau d'être très largement discutée dans le cercle des économistes. Pour la première fois de son histoire, le Liban a annoncé le 7 mars 2020 être dans l'incapacité de rembourser la prochaine échéance de sa dette, échéance estimée à un milliard d'euros. Le cumul total de la dette libanaise, 81 milliards d'euros soit l'équivalent de 170 % de son PIB, va amener le pays à entamer de profondes réformes pour restructurer sa dette, en entamant certainement une longue politique d'austérité. Longtemps en délicatesse avec le Fonds Monétaire International (FMI), l'Argentine se retrouve aussi face à un besoin de restructurer une partie de sa dette (68,8 milliards de dollars sur un total de 311 milliards) alors que le nouveau Président Alberto Fernandez annonçait peu de temps après son élection fin 2019 que le pays se trouvait en défaut virtuel de paiement. Annonce suivie depuis d'une mise en place de taxes à l'exportation sur les céréales et le soja allant de 12 à 33 % afin de retrouver rapidement des liquidités pour l'Etat Argentin.

Le Chili, déjà embarqué dans une profonde crise sociale, est confronté à un risque d'épuisement de ses ressources financières avec le très fort ralentissement des achats chinois de sa principale ressource, le Cuivre. Et que dire des suites de la situation du Venezuela. Confronté à une crise économique et institutionnelle majeure depuis 2017, le pays se prépare à subir un nouveau choc avec la chute du prix du pétrole. Pour rappel, le PIB du pays a reculé de 35 % en 2019 avec une inflation exponentielle de 10 000 % la même année (cette dernière avait atteint plus de 130 000 % en 2018). Environ 5 millions de vénézuéliens ont quitté le pays depuis le début de cette crise et 2,3 millions des 30 millions de Vénézuéliens restants sont considérés dans un état d'insécurité alimentaire aggravé. L'appareil de production agricole s'est complétement effondré, la production de viande et de lait ne couvrant que respectivement 40 et 30 % des besoins des consommateurs. On y fait d'ailleurs état d'importants vols et de trafic de bétails, le bolivar ayant perdu toute sa valeur, les animaux sont d'autant plus convoités par la sureté de leur valeur et dans un pays confronté à la pénurie alimentaire.

L'épidémie de Covid-19, d'une part par son choc croisé d'offre et de demande, d'autre part du fait de son effet de contraction sur l'investissement et de crainte quant aux détenteurs de dettes étrangères, contribue donc à enfermer ces pays dans des trappes de différentes natures (pauvreté, endettement, dépendance aux exportations de matières premières). Et ce ne sont que les prémices d'un événement qui pourrait faire basculer d'autres pays dans des crises similaires au regard de leurs facteurs de fragilités. Il est intéressant de voir à quel point les risques systémiques de pandémie ont été négligés jusqu'ici, malgré l'alerte de certains chercheurs dès 2019[1] et alors que leur recrudescence était bien réelle, mais éloignée de nos frontières (cf. Zika, Ebola). La mondialisation malade de son économie ou l'économie malade de sa mondialisation, le Covid-19 est certainement le révélateur d'une pathologie bien plus profonde.

Contact : Quentin Mathieu - APCA

[1]Outbreak Readiness and Business Impact, Protecting Lives and Livelihoods across the Global Economy, White Paper of the World Economic Forum, January 2019.