Quand les grandes surfaces se gavent sur les légumes bio

Une étude de l’association de consommateurs Que choisir dénonce les taux de marges appliqués par la grande distribution sur les fruits et légumes bio, sans autre explication que celle d’une pratique opportuniste sur un marché de niche. La Fédération du commerce et de la distribution s’en défend.

Les fruits et légumes sont les produits préférés des consommateurs de produits bio. Selon L'Agence bio, ils garnissent le panier de 78 % des clients, devant les produits laitiers (71 %), les œufs, (65 %), les produits d'épicerie (51 %) et la viande (49 %). Coïncidence ? Les fruits et légumes bio sont les produits sur lesquels la grande distribution opère les plus grosses marges, selon une étude de l'association de consommateurs Que Choisir, publiée fin août. Selon l'association, un panier bio constitué de 30 produits représentatifs (fruits et légumes, viande, épicerie, boissons...) est 70 % plus cher en supermarché et hypermarché que le même panier non bio. Et dans les magasins bio, le surcoût atteint 118 % par rapport au même panier non bio en grandes surfaces. Mais pour les légumes en particulier, le surcoût moyen dépasse les 166 % en grandes surfaces contre 100 % en magasin bio spécialisé, comparativement au même panier de fruits et légumes conventionnel acheté en grandes surfaces.

Méthodologie en cause ?

Selon l'association de consommateurs, les niveaux de marge outrepassent largement les surcoûts inhérents au mode de production bio, à savoir des rendements moindres et des coûts de production plus élevés, notamment en main d'œuvre. Ces deux paramètres seraient responsables de moins de la moitié du surcoûts, ce qui laisserait l'autre moitié dans la poche des distributeurs, lesquels tireraient davantage profit de la situation qu'en 2009, date des précédents relevés réalisés par Que choisir dans ce domaine. Bref, l'association ne voit d'autre explication que celle d'une pratique opportuniste sur un marché de niche, ce que la Fédération du commerce et de la distribution nie, contestant l'approche méthodologique de l'étude, à défaut de sa représentativité (39 500 relèves de prix dans 1518 magasins). La FCD revendique un taux de marge équivalent en bio et non bio. Mais comme le prix de base est plus élevé, la marge s'envole, rétorque Que choisir.

Alimentation à deux vitesses

Nul doute que l'Observatoire de la formation des prix et des marges serait bien avisé d'étudier dans le détail la construction du prix des produits bio dans la grande distribution. Si la consommation de produits bio s'accentue, elle laisse toutefois de côté les catégories socio-professionnelles les moins favorisées, comme le révèle l'enquête Inca 3 de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), portant sur les habitudes et les modes de consommation. Les sociologues le répètent à l'envi : l'alimentation est un marqueur des inégalités sociales. A son corps défendant, la bio pourrait participer à creuser le fossé.