[Tech&Bio] Quand l’écologie fonctionnelle fait tout le travail... ou presque

A Montélier (26), Sébastien Blache a poussé très loin la bio-régulation et l’autonomie de son exploitation en polyculture-élevage Ça marche. Mais si la nature fait son boulot, l’agriculteur et sa compagne se démènent beaucoup, intellectuellement et physiquement. Un des Talents Tech&Bio 2017.

Une centaine de brebis à viande (Solognote, Noire du Velay) rustiques à souhait pour contenir le parasitisme. Sans oublier les Shropshire qui ont l'avantage d'épargner les arbres, ce qui permet de les faire pâturer dans les vergers, pour ne se nourrir des fruits tombés et couper par la même occasion le cycle d'ennemis tels que carpocapse et tavelure. Des brebis si possible dessaisonnées pour servir la vente directe toute l'année. Des poules pondeuses dont les poulaillers mobiles transitent par les vergers de pêchers, de pommiers, de poiriers, de figuiers, recyclant les pertes des arbres mais aussi les résidus d'oléagineux (tournesol, caméline...). Des oléagineux dont les tourteaux (l'huile est vendue) complètent l'alimentation des poules et dont les restes de culture sont pâturés par les brebis pour compléter leur propre ration et éliminer les repousses tout en fertilisant les céréales à suivre et dans lesquelles le cycle du chardon sera cassé par l'introduction d'une luzerne, qui assurera l'autonomie fourragère, en plus du pâturage tournant dynamique. Céréales dont la pollinisation par les abeilles sauvages sera favorisée par les plantes messicoles telles que le bleuet ou le coquelicot. Du millet, du blé ou encore des haricots en guise d'enherbement entre les rangées de figuiers, confinant à l'agroforesterie doublement fructifiante. Des nichoirs pour les mésanges et les chauve-souris qui vont se nourrir du carpocapse en vol. Des haies garnies de ronces et hébergeant des fauvettes frugivores qui vont elles-mêmes participer à l'ensemencement naturel de la haie. Des mares propices aux libellules et amphibiens et qui vous décuplent la biodiversité et font des ravages parmi les insectes ravageurs... Et on en oublie. Et l'humilité nous oblige à dire que l'on n'a pas forcément tout compris...

Système résilient

Bienvenue dans la biorégulation, dans l'écologie fonctionnelle, dans l'agriculture circulaire. Bienvenue chez Sébastien Blache et sa compagne Elsa qui, sur 25 ha, ont construit en 10 ans un système agroécologique poussé dans ses retranchements, bio évidemment, et où chaque espèce, végétale et animale, cultivée et spontanée, sert elle-même une ou plusieurs autres espèces. « Ça marche », assure Sébastien Blache. « Ça marche bien d'un point de vue écologique mais aussi économique. Par la diversité de ses productions, notre système s'avère en prime résilient aux aléas. C'est aussi très satisfaisant de gérer une exploitation qui, en plus de réduire ses achats extérieurs à la partie congrue, ne génère aucun gaspillage ». L'agriculteur, qui avait réalisé un diagnostic écologique lors de son installation, prends régulièrement le pouls de la biodiversité via des indicateurs tels que les populations de mésanges charbonnières. Sa formation de biologiste et d'ornithologue l'y aide bien. « L'agriculture française est encore largement démunie en matière d'enseignement et de vulgarisation de l'écologie fonctionnelle », regrette-t-il. « Quand je bloque sur un point, je me tourne vers des pays ressource comme l'Algérie ou le Maroc ». Il y a malgré tout des impasses techniques. « L'abricot en bio, c'est compliqué, à cause du virus ECA transmis par des psylles ».

Zéro gaspi, 100 % en vente directe

Zéro gaspi, une valorisation à100 % en vente directe à la ferme, en Amap et en magasin de producteur, un minimum d'investissements : la recette économique de la Ferme du Grand Laval est là, bien aidée il faut le dire par l'irrigation. Le maillon faible du système, c'est le travail, une problématique récurrente en bio. L'agriculteur a beau multiplier les espèces et les variétés de ses pommiers, poiriers, pêchers pour lisser au maximum la production et avec elle la charge de travail, le système est tendu, avec le couple pour seul pourvoyeur de main d'œuvre. « On est en réflexion pour embaucher une personne l'année prochaine », explique l'agriculteur. On allait l'oublier : pour la partie sociétale, entre autres bienfaits inhérents au système, Sébastien Blache a signé un Contrat d'appui au projet d'entreprise (Cape) pour mettre le pied à l'étrier d'une jeune maraîchère, Julie, sur environ 4000 m2, au sein de la ferme.