Thiézac, l’étape de montagne du Tour de France du président des JA

Jérémy Decercle, président national des Jeunes agriculteurs, était à Thiézac. mardi. Il n’a éludé aucune question lors d’une soirée “tables-rondes” organisée par les JA du Cantal.

Ce n'était pas - encore - le Grand débat mardi soir à Thiézac mais ici aussi, aucune question n'était taboue. Diversification, inflation du coût de l'installation, concurrence sur le foncier, statut de l'actif agricole... : les Jeunes agriculteurs du Cantal, qui accueillaient leur président national le Bourguignon Jérémy Decerle, ont mis tous les sujets sur la table dans le cadre de mini tables-rondes savamment orchestrées par Francis Flagel dans le cadre de ce nouveau temps fort de la campagne aux élections Chambre. Un syndicalisme jeune décomplexé, assumant ses racines et ses convictions, fier de ses acquis sans excès d'autosatisfaction

Nouvelle DJA : "une chance énorme"

Premier sujet abordé lors de "cette étape de montagne de mon tour de France", a plaisanté Jérémy Decerle : la diversification dans un département qui compte trois fois plus de bovins que d'habitants et où les deux tiers des installations se font en bovins lait ou viande. Valentin
Delbos a témoigné de son installation sur un atelier de poules pondeuses en plein air à Chaussenac. "Sans les 57 000 € de DJA(1) et les
136 000 € du plan bâtiments (PCAE), je n'aurais jamais pu m'installer, ça a été une chance énorme", sachant que des mauvaises surprises se sont invitées au moment du terrassement. L'occasion pour la patron des JA d'affirmer la nécessité  aujourd'hui "d'imaginer, pas que pour l'installation, une forme de diversification sur nos exploitations, ça nous permettra de leur redonner un peu de résilience même si aujourd'hui, un peu toutes les productions subissent une crise". 
Au préalable, le président des JA du Cantal a rappelé que grâce à la refonte de la modulation de la DJA, cette dernière est passée en moyenne dans le département de 28 339 € en 2016 à 48 573 € fin 2017. Une évolution essentielle pour un territoire qui installe plus de 90 jeunes par an et dans un contexte où le montant moyen investi a dépassé la barre des 370 000 € (+ 48 % en six ans), "le point noir de l'installation",
a souligné Francis Flagel. Rebondissant sur cette dynamique d'installation et sur un taux de pérennité de 97 % après cinq ans de ces jeunes entreprises, Jérémy Decerle a estimé que les JA doivent "être très fiers de ce qu'on défend : l'accompagnement financier des porteurs de projet et un accompagnement humain personnalisé avec des formations qui tiennent compte de l'expérience et des compétences acquises".
Sans surprise, la difficulté pour les jeunes à trouver du foncier  a été relevée dans la salle. Francis Flagel notait cependant que dans le Cantal, l'installation reste prioritaire dans les différents outils de régulation du foncier. Un foncier très prisé qui résulte justement d'une dynamique agricole encore bien présente, a estimé Joël Piganiol (FDSEA), "ce qui ne nous empêche pas d'essayer de limiter l'inflation des prix avec des procédures engagées pour des révisions de prix qui ont amené un certain nombre de dossiers au contentieux, contentieux qu'on assume" !

Prêts à trancher sur le statut de l'actif

Quid des agriculteurs qui continuent d'exploiter à plus de 65 ans en touchant les aides de la Pac ou encore des schémas type SCEA élaborés pour contourner le contrôle des structures ? Jérémy Decerle appelle de ses vœux une loi foncière pour régler ces questions et plaide pour que l'Union européenne donne la possibilité à chaque État membre de définir ce qu'est un actif agricole. "Plutôt que de se bagarrer entre agriculteurs, on ferait mieux de se battre pour que ceux qui ne sont pas agriculteurs ne touchent pas le jackpot avec la Pac !" Pour cela, il appelle le syndicalisme à faire preuve de courage.
Guilhem Nassiet et Nicolas Constant ont ensuite témoigné de leur installation hors-cadre familial entre tiers à Ytrac en production laitière, en bénéficiant du dispositif de parrainage et de l'accompagnement du RDI(2). Ils ont aussi mis en avant leur philosophie : celle d'une organisation du travail, d'une polyvalence et d'astuces techniques qui permettent à chacun de se libérer du temps. Comme eux, Jérémy Decerle invite les jeunes - et moins jeunes -, à réfléchir en permanence à l'évolution de son système, de ses pratiques, pour gagner en "vivabilité" du métier. Une expression dont JA revendique la paternité et un objectif qui peut passer par une association, le recours au Service de remplacement, à de l'emploi partagé via les structures telles Agri Emploi 15.
Jérémy Decerle a par ailleurs incité les jeunes à "aller voir ailleurs" avant de s'installer, à l'étranger ou par une étape de salariat pour parfaire son expérience et sa maturité avant de devenir chef d'exploitation. Un conseil qu'ont devancé il y a bien longtemps déjà les JA du Cantal en mettant sur pied une formation Devenir chef d'entreprise agricole (lire ci-dessous).
(1) Dotation jeune agriculteur.
(2) Répertoire départemental à l'installation.