Conversion au bio : gérer sa trésorerie

Une exploitation laitière qui décide de se convertir à l’agriculture biologique doit anticiper le besoin de trésorerie.

Le passage à l'agriculture biologique nécessite une maîtrise technique, mais également une structure financière de départ suffisamment solide pour pouvoir assurer ce virage. C'est tout un système de production qui doit être revu. Anticiper les impacts sur l'évolution des charges en bio permettra de bien gérer sa trésorerie. Prenons l'exemple de M. Dupré, éleveur spécialisé avec 430 000 litres pour un troupeau de 60 VL. Afin d'évaluer sa capacité de résistance aux premières années de conversion à l'agriculture biologique, il doit calculer son nouveau point d'équilibre. Il envisage une conversion simultanée du troupeau et des fourrages sur 24 mois. Les vaches seront conduites selon le mode de production biologique dès le début de conversion des parcelles. Les productions de fourrages en conversion seront autoconsommées ainsi que les stocks conventionnels de l'année précédente. L'unité de production (parcellaire et troupeau) sera donc certifiée après 24 mois. Selon les données de la profession, il convient d'anticiper une baisse de la production laitière de 15 %. Pendant deux ans, le coût de production est celui d'un atelier lait bio tandis que le prix de vente reste celui du lait conventionnel.

Besoin en trésorerie

Compte tenu du différentiel entre le point d'équilibre de notre exploitation et le prix conventionnel, le besoin en trésorerie sur les deux premières années de la conversion sera de 27 192 € (cf. tableau). Ensuite, dès la 3e année, la comparaison entre le prix de vente escompté en bio et le point d'équilibre issu de la comptabilité indiquera l'évolution de la trésorerie. Pour limiter son besoin en trésorerie, notre producteur aurait pu choisir une conversion non simultanée en 18 mois. Dans ce cas, l'atelier cultures serait converti avant l'atelier lait, qui lui, débute sa conversion seulement le 13e mois. Le lait est valorisé en bio dès le 18e mois, soit un gain économique de 6 mois.

Gestion des stocks

Dans cette option, pendant les 12 premiers mois, M. Dupré peut maintenir son volume de lait produit avec une conduite classique, c'est à dire en utilisant ses stocks de l'année précédente et en achetant de l'aliment conventionnel. Il garde néanmoins la possibilité de donner ses fourrages et céréales produits à la ferme. La difficulté d'une telle stratégie réside dans la gestion des stocks : en fin de première année de conversion de l'atelier lait, il ne doit plus subsister de stock de grain conventionnel et très peu de fourrages conventionnels (20 % maxi). L'impact sur la ration alimentaire est à bien prendre en compte dans cette stratégie sur 18 mois.

Etude économique

Dans tous les cas, le passage à l'agriculture biologique doit être bien réfléchi. Il ne faut pas seulement tenir compte d'une conjoncture favorable sur le lait bio. C'est bien l'ensemble du système de production (ateliers cultures et lait) qu'il va falloir convertir. Une étude économique est donc nécessaire pour bien visualiser le besoin en trésorerie sur les premières années de la conversion.

Exemple

Le point d'équilibre

M. Dupré va produire 365 500 litres (-15 %) dès le début de sa conversion.

Coût de production en agriculture biologique (données COGEDIS 2ème trimestre 2018)

399,13 € /1000 l

Charges de production à couvrir

399,13 € / 1000 l x 365 500

145 882€

    + annuités bancaires

+ 25 000 €

    + prélèvements privés

+ 30 000 €

    - Amortissements et frais financiers

(données COGEDIS 2ème trimestre 2018) 108,15€/1000 l x 365 500 litres

- 39 529 €

    - Aides PAC

- 22 000€

TOTAL

139 353 €

Point d'équilibre

381,27 € / 1000 litres

    

Le besoin de trésorerie

M. Dupré va vendre pendant deux ans son lait au prix du marché conventionnel.

Point d'équilibre

381,27 € / 1000 litres

Hypothèse de prix du lait en conventionnel

344,07 € / 1000 litres

Besoin en trésorerie (381,27-344,07) x 365 500 / 1000

13 596 €

Besoin en trésorerie sur 24 mois

27 192 €