La pistache française, sur toutes les lèvres, mais pas encore en bouche

[medFEL 2024] Adaptée au climat méditerranéen, la pistache est une culture de diversification prometteuse, aux débouchés assurés auprès des artisans-pâtissiers. Mais l'espèce, ni « or vert », ni « eldorado », est encore dans une phase exploratoire et recèle quelques inconnues au plan technico-économique, avertit le syndicat de producteurs France Pistache.

« Un verger de pistachiers, je sais ce qu’il en coûte mais je suis incapable de dire ce qu’il va vous rapporter ». C’est ce que déclare Benoit Dufaÿ, chargé de mission à France Pistache, syndicat de producteurs qui tient salon au medFEL à Perpignan (Pyrénées-Orientales). Ce département, qui depuis deux ans est en état de semi-aridité, est potentiellement une terre d’élection pour le fruit à coque, qui aime la chaleur et qui peut se cultiver en sec. « Sur les 80.000ha recensés en Espagne, 60% sont conduits en sec », poursuit le spécialiste.

« La pistache n’est ni un or vert, ni un eldorado », prévient Benoit Dufaÿ, dans une allusion à peine voilée à certains titres tapageurs qui fleurissent dans la presse (Crédit photo : R. Lecocq)
« La pistache n’est ni un or vert, ni un eldorado », prévient Benoit Dufaÿ, dans une allusion à peine voilée à certains titres tapageurs qui fleurissent dans la presse (Crédit photo : R. Lecocq)

En France, les traces du pistachier remontent au début du XXème siècle en Provence et c’est de cette région que s’est opérée la relance avec la création, en 2018, de l’association Pistache en Provence, puis du syndicat de producteurs France Pistache en 2021. En 2024, le verger français totalise 450ha, essentiellement localisé dans le Vaucluse et les Alpes de Haute-Provence et accessoirement les départements limitrophes. L’Aude et les Pyrénées-Orientales constituent un second foyer d’émergence. « La pistache n’est ni un or vert, ni un eldorado », prévient Benoit Dufaÿ, dans une allusion à peine voilée à certains titres tapageurs qui fleurissent dans la presse. « Un pistachier produit sa première pistache au bout de 6 ans et il faut compter 10 ans pour atteindre une production en rythme de croisière ».

On recense environ 450 ha de pistachiers, localisés dans le Vaucluse et les Alpes de Haute-Provence, ainsi que dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales (Crédit photo : Pistache en Provence)
On recense environ 450 ha de pistachiers, localisés dans le Vaucluse et les Alpes de Haute-Provence, ainsi que dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales (Crédit photo : Pistache en Provence)

Ce qu’il en coûte ? Compter 15.000€/ha pour l’établissement du verger et 2500 à 3000€/ha pour l’entretien jusqu’à la première récolte. Ce qu’il rapporte ? « On se projette sur une hypothèse basse de 1,5t/ha de pistaches sèches en coque, soit 800kg/ha d’amandons, répond Benoit Dufaÿ. En ce qui concerne les prix, on table sur 10 à 15€/kg en coque selon que l’on sera en conventionnel ou en bio et 22 à 25€/kg en amandon. Ces prix sont ceux que seraient prêts à payer les artisans-pâtissiers pour une pistache "made in France" ». A titre indicatif, la pistache en coque est valorisée entre 7 et 9 €/kg en Espagne.

"L’idée est de maintenir les arbres en situation de stress, pour qu’il gardent leurs réflexes de mise en sécurité hydrique"

Le conditionnel est important car il n’existe pas de production significative de pistaches et donc pas de contrats de référence, les premières plantations ayant eu lieu en 2018. D’où la prudence des promoteurs de la pistache, soucieux d’accompagner une culture émergeante mais sans mettre en risque les candidats. Car selon Benoit Dufaÿ, la pistache française ne peut cibler qu’un marché de niche, dont les artisans-pâtissiers et autres Meilleurs ouvriers de France, avec des contrats-cadres à l’appui. On est loin des Bénénuts produites industriellement aux Etats-Unis ou en Israël, moyennant 5000m3/ha/an d’eau.

Enfermée dans une bogue et une coque, la pistache peut être récoltée verte manuellement 3 à 4 semaines avant maturité, ou déhiscente en coque au moyen d’un vibreur (Crédit photo : R. Lecocq)
Enfermée dans une bogue et une coque, la pistache peut être récoltée verte manuellement 3 à 4 semaines avant maturité, ou déhiscente en coque au moyen d’un vibreur (Crédit photo : R. Lecocq)

France Pistache s’inscrit en effet dans un mode de production durable et responsable, vis-à-vis de la ressource en eau notamment. En irrigué, un verger se contenterait de 1500m3/ha/an. « L’idée est de maintenir les arbres en situation de stress, pour qu’il gardent leurs réflexes de mise en sécurité hydrique, explique le spécialiste. Le pilotage de l’irrigation, et notamment son incidence sur le phénomène d’alternance reste encore à documenterCôté phytos, c’est simple puisque rien n’est homologué et que tout passe par des dérogations pour le souffre et le cuivre par exemple ». La pression parasitaire est faible mais le catalogue est à l'avenant.

"La culture de la pistache est encore dans une phase exploratoire "

Une autre étape s'avèrera cruciale : la récolte, ou plus exactement la post-récolte. « Il est impératif de sécher les pistaches sitôt la récolte sous peine d’altérer complètement la qualité », prévient Benoit Dufaÿ.

Au niveau de la transformation, l’étape de la casserie pourrait être mutualisée avec les producteurs d’amandes, certaines machines étant polyvalentes, comme c’est le cas aussi pour la récolte mécanique. « La pistache est une culture complémentaire de l’amande, précise Benoit Dufaÿ. Sa sensibilité au gel est moindre, du fait d’une floraison plus tardive. Mais le pistachier n’est pas insensible au gel ». Selon France Pistache, le verger français pourrait monter jusqu'à 2000ha. « La culture de la pistache est encore dans une phase exploratoire », conclut Benoit Dufaÿ