AVEYRON : Contractualisation en viande bovine, les éleveurs ont leur destin en main

La section bovins viande de la FDSEA et les JA de l’Aveyron ont invité Bruno Dufayet, président de la FNB, à venir échanger avec les éleveurs du département sur la contractualisation en viande bovine qui se met en place à compter du 1er janvier. La rencontre s’est déroulée mardi 7 décembre sur l’exploitation de Jean-Paul Malgouyres à Souyri, Salles la Source. Retour sur les échanges avec Bruno Dufayet.

Bruno Dufayet : « La première étape : proposer un contrat »

Comment va se mettre en place la contractualisation ?

B. Dufayet : « La loi Besson-Moreau va rendre obligatoire la contractualisation écrite entre l’éleveur et l’acheteur pour toute vente de bovins dès le 1er janvier. Le processus va démarrer avec les jeunes bovins âgés de 12 à 24 mois, les génisses de plus de 12 mois, les vaches de races à viande et les bovins sous signes officiels de qualité (labels, AB) avant de se généraliser à toutes les autres catégories au plus tard le 1er janvier 2023.

Comment la FNB accompagne-t-elle les éleveurs dans cette mise en place de la contractualisation ?

 B. Dufayet : Nous organisons une tournée de 38 réunions dans les départements qui le souhaitent. Autour d’échanges ouverts, nous expliquons les modalités de mise en place de cette contractualisation et présentons le modèle de contrat afin que chacun puisse élaborer sa mécanique de prix. L’idée est aussi d’inciter les éleveurs à proposer des contrats à leur(s) acheteur(s), la balle est dans leur camp. Si nous voulons que cette loi porte ses fruits, c’est-à-dire redonner de la valeur à notre acte de production, nous devons prendre en main notre destin.

 « Prendre en main son destin ! »

En quoi la mise en place de cette contractualisation va-t-elle ramener du prix dans les élevages ?

B. Dufayet : La FNB a travaillé à la mise en œuvre de plusieurs outils pour une meilleure rémunération des producteurs. La prise en compte des coûts de production dans la fixation du prix d’abord : les éleveurs ont depuis trop longtemps vendu leurs animaux sans pouvoir faire passer les hausses du coût des matières premières ! Nous nous sommes appuyés sur les chiffres officiels et fondés fournis par l’Institut de l’élevage. De même, les cours du marché seront intégrés dans la fixation du prix. Là aussi nous nous appuyons sur des données fiables issues de l’IPAMPA. Des chiffres non discutables. L’idée est que les éleveurs aient tous les éléments à leur disposition pour construire un prix qui soit en adéquation avec leur contexte c’est-à-dire leurs coûts de production et le marché. Ces chiffres seront la base de la négociation. Il faut sortir de l’intox permanente qui entraînait les prix à la baisse ! C’est aussi pour l’éleveur l’occasion de connaître la vraie valeur de son produit.

Comment est perçu ce nouveau dispositif par les éleveurs ?

B. Dufayet : Il y a un peu de crainte c’est vrai. Est-ce que ce système va fonctionner ? Cette contractualisation va-t-elle réellement ramener de la valeur ajoutée dans nos fermes ? Est-ce que je vais enfin pouvoir avoir des garanties et perspectives pour l’avenir de mon élevage ? Je comprends ces questions parce que le volet 1 de la loi Egalim n’a pas su y répondre et n’a rien changé. C’est pour cette raison que nous avons fait pression pour que le volet 2 d’Egalim à travers la loi Besson-Moreau, intègre de nouveaux paramètres. La contractualisation devient la règle. De même nous avons ressenti une réelle volonté du ministre de l’agriculture à aider la filière viande bovine à se structurer pour retrouver de la valeur jusque dans l’acte de production. Depuis 2016, nous avons perdu 500 000 vaches en France et des milliers d’éleveurs, à l’heure où le gouvernement prône le « manger français », il n’a pas le choix que d’aider nos filières à continuer à produire... Il en va de l’avenir de la viande bovine française.

Et par les opérateurs de la filière ?

B. Dufayet : Je le répète depuis plusieurs années, l’hémorragie s’intensifie dans les élevages allaitants. Les opérateurs d’aval en sont eux aussi conscients. Si les volumes d’animaux produits sont moins importants, comment les abattoirs vont-ils assurer leur approvisionnement ? Comment les négociants vont-ils remplir leurs camions ? Comment les GMS vont-elles pouvoir trouver de la viande bovine française pour leurs rayons et continuer à communiquer sur ce produit de plus en plus demandé par les consommateurs ? Il y a, je pense, une réelle prise de conscience de chacun des maillons de la filière, pour dire que le système actuel ne fonctionne plus et n’assure pas l’avenir de la filière. La contractualisation va nous permettre, à tous, de reconstruire une filière solide, qui rémunère l’ensemble des acteurs, une filière moderne qui se soucie du maintien de la production et du renouvellement des éleveurs.

 « Un choc culturel »

 Quelles sont les clés de la réussite de cette contractualisation ?

 B. Dufayet : Pour que ça change, il faut un réel élan des éleveurs. En redevenant acteurs de leur prix, ils pourront bénéficier d’une rémunération juste de leurs produits. Je conçois qu’il s’agit d’un choc culturel ! Les éleveurs ne sont pas habitués à faire leur prix. Cette contractualisation va nous permettre de ne plus être la variable d’ajustement. A nous de tirer parti de ce nouveau système ! Les éleveurs seront désormais le point de départ de la valorisation. S’ils ne le font pas, cela sous-entend que le système actuel leur convient... La réussite, je le répète, passera par l’engagement des éleveurs, leur force de proposition dans ces contrats. La contractualisation va redonner de vraies perspectives, elle apportera transparence, visibilité et garantie aux producteurs.

Quels sont les enjeux de la contractualisation pour l’avenir de la filière viande bovine ?

B. Dufayet : La seule issue pour les éleveurs est la remontée du prix. C’est aussi la seule issue pour l’avenir de la filière viande bovine en France. Si nous voulons pouvoir encore installer des jeunes demains sur nos fermes, cela passe par une meilleure rémunération des éleveurs.

« Un moyen de se battre pour le prix »

Que répondez-vous aux détracteurs de la contractualisation ?

B. Dufayet : On entend ici et là certains détracteurs dire que la contractualisation n’amènera rien, qu’elle va enfermer les producteurs dans un système. Je ne le pense pas ! Justement, l’éleveur est libre d’établir un contrat avec chacun de ses acheteurs. Pour certains, la contractualisation n’est pas nécessaire, s’appuyant sur une conjoncture positive depuis quelques mois. Mais nous ne pouvons plus nous asseoir sur ces effets de conjoncture, trop fluctuants et qui n’apportent aucune perspective même sur du moyen terme. Le moindre problème est sujet à réviser le prix... et toujours à la baisse, ce n’est plus possible !

Quel est votre message aux éleveurs ?

 B. Dufayet : Je pense que le contexte actuel est porteur pour la contractualisation : la consommation est positive, la production adaptée, l’offre correspond à la demande... tout est réuni pour que ce nouveau principe fonctionne. Aux éleveurs de s’emparer de cette nouvelle opportunité pour faire augmenter les prix. Nous sommes là pour vous accompagner dans l’élaboration de votre contrat qui est signé pour 3 ans mais qui peut être revu en fonction de la fluctuation des coûts de production et de l’évolution du marché ».

Recueillis par Eva DZ