Betteraves : le Sénat entérine le retour des néonicotinoïdes

Le Sénat a donné son aval dans la nuit du 27 au 28 octobre au retour temporaire des néonicotinoïdes pour les betteraves sucrières. La mise en œuvre du texte est avancée au 15 décembre, pour laisser le temps aux semenciers de préparer les semences pour le printemps prochain.

Les sénateurs, qui avaient déjà validé le projet de loi en Commission des affaires économiques, ont donné leur accord dans la nuit du 27 au 28 octobre à la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes pour les betteraves sucrières. Le texte a été adopté en première lecture par 184 voix pour, 128 contre et 28 abstentions.

Les sénateurs ont apporté plusieurs amendements, qui prévoient notamment une entrée en vigueur « au plus tard le 15 décembre afin de laisser le temps nécessaire aux semenciers d'apporter une solution technique aux agriculteurs ». 

Ils proposent aussi d'élargir le conseil de surveillance à certains instituts « n'étant pas mentionnés explicitement dans le texte alors qu'ils pourraient y avoir leur place, comme l'institut technique de l'agriculture biologique ». 

"Pas un retour en arrière"

La sénatrice Sophie Primas, rapporteure de la commission des affaires économiques, a estimé que cette loi n’était « en rien un retour en arrière ». « La production sucrière française a considérablement évolué ces dernières années : entre 30 et 70% de fertilisants, de fongicides et d’insecticides en moins au cours des 20 dernières années, un recul de 40% en 25 ans des émissions de gaz à effet de serre pour les sucreries, qui ont investi lourdement, un transport entre le champ et l’usine de 32 kilomètres en moyenne contre 50 kilomètres en Allemagne », a-t-elle détaillé en ouverture du débat.

La proposition de loi du gouvernement s’accompagne d’un certain nombre de garde-fous visant à limiter au maximum les impacts environnementaux de cette décision. Ainsi, l’utilisation de semences traitées aux néonicotinoïdes sera conditionnée par l'interdiction de semer des cultures attractives pour les pollinisateurs après celles de betteraves, afin de ne pas exposer les insectes pollinisateurs aux résidus éventuels de produits. Seule l'utilisation via l'enrobage des semences est envisagée, celle par pulvérisation demeurant interdite.

Par ailleurs, la filière betteravière s’est parée d’un plan de sortie des néonicotinoïdes, dans laquelle elle s’engage par exemple à réduire de 25% la dose de néonicotinoïdes utilisés en enrobage de semence par rapport à la pratique précédente.

Afin de booster la recherche pour l’identification d’alternatives, le ministre de l’Agriculture a indiqué que 7 millions d’euros supplémentaires étaient mobilisés. « Si une alternative était sur la table, je ne serai pas ici devant vous », a-t-il rappelé aux sénateurs. Cette année 2020 particulièrement propice à l’infestation de pucerons a montré que les alternatives chimiques n’étaient pas efficaces et utilisées en végétation, avec le risque environnemental que cela implique. Du côté de la génétique, il faudra encore patienter un peu : 5 ans minimum, estiment les chercheurs.

Quant à la lutte via les prédateurs naturels, l’enjeu est, outre des connaissances à acquérir en matière de recherche, de leur recréer des habitats : haies, arbres, etc. « Le Plan de relance a ciblé un budget de 50 millions d’euros pour replanter des haies, a rappelé le ministre de l’Agriculture. Mais pour monter une haie, il faut du temps ». Et le temps est compté : la dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes est prévue jusqu’en 2023.