Blés : ne pas solder l’azote trop tôt pour soutenir le potentiel de rendement

[HAUTS-DE-FRANCE] Depuis le week-end du 1er mai, les stades des blés ont évolué très vite, à l’instar des orges il y a une quinzaine de jours. Actuellement, la plupart des parcelles se situent à dernière feuille étalée, voire gonflement. C’est le moment idéal pour un apport d’azote, d’autant plus que le potentiel de rendement est là dans une majorité des situations : il est indispensable d’accompagner les cultures jusqu’au bout.

Point sur l’état d’absorption des blés

Si on examine les cinétiques d’absorption de l’azote, on constate que :

  • Contrairement à 2024, jusqu’alors, les absorptions d’azote sont globalement bonnes malgré des biomasses faibles.
  • Les premiers apports au stade tallage ont assez peu fonctionné malgré la pluie, car les plantes poussaient peu à cette période (pour rappel, à cette période, le premier critère de valorisation de l’azote est la vitesse de croissance du blé).
  • L’apport à épi 1 cm a permis de booster la végétation et depuis, l’absorption a été importante. Même si, avec l’absence de pluies de mars jusqu’au 20 avril, l’apport épi 1 cm a été moins efficient que d’habitude et que les blés ont souffert du sec et jauni, les conditions d’hygrométrie nocturne élevée à cette période ont permis de valoriser ces unités apportées. Les blés ont reverdi (voire presque bleui) très vite avec le peu de pluies de fin avril : celles-ci ont en effet permis de valoriser l’apport à 2N - très bénéfique - ou les apports épi 1 cm en situations tardives.

Dans le réseau des parcelles suivies en région, il y a, comme toujours, de la diversité liée aux différentes dynamiques d’absorption.

Bilan :

  • Les semis plutôt précoces, en bons limons, bien implantés mais aussi les semis jusque mi-novembre (environ 2/3 des parcelles des HDF) ont absorbé entre 150 et 200 unités à dernière feuille étalée (DFE), ce qui suit les dynamiques, dans notre historique régional, pour atteindre de bons voire de très bons rendements (courbes vertes en figure 1).
  • Certaines parcelles ont plus de mal (environ 15 % en Hauts-de-France) : les semis très tardifs, les parcelles en agriculture de conservation (ACS) avec des gros résidus de maïs, les petites terres … et ont plutôt absorbé 100 à 120 unités à dernière feuille pointante (DFP). Pour celles-ci, on part sur un potentiel de rendement inférieur à la moyenne (dynamique entre les courbes moyennes et courbe rouge de l’historique).

Figure 1 : Evolution de l’azote absorbé – Moyenne Hauts-de-France et en fonction du rendement final  (voir le graphique ici)

 

Dans ce contexte, faut-il maintenir un apport à dernière feuille ?

Clairement OUI, il faut continuer d’accompagner ce potentiel, toujours là dans beaucoup de parcelles (les apports à DF jusque gonflement jouent sur le rendement, ne l’oubliez pas !) et suivre les outils de pilotage. Ils tiennent compte du potentiel probable de la parcelle et donc, de la quantité d’azote que le blé peut encore absorber. Notons également que pour la plupart des variétés implantées dans la région, la composante fertilité épi est importante dans l’élaboration du rendement, et donc, le besoin en azote est important à ce stade clé.

En règle générale, on revient à la dose bilan, voire un peu plus pour les variétés ayant un petit b complémentaire (bc) (mise en réserve de 60 unités pour le dernier apport afin d’aller chercher l’optimum de rendement et de protéines).

Consultez l’article : «  Blé tendre : les besoins en azote des variétés réactualisés  »

Faut-il faire cet apport malgré l’absence de pluies ?

Oui, surtout lorsqu’on vient de montrer que le potentiel est encore là dans de nombreuses situations. La pluie n’est aujourd’hui pas un critère suffisant pour arrêter les apports et ne pas épandre la dose conseillée. On sait que les CAU (coefficient apparent d’utilisation), qui traduisent l’efficience d’un apport, sont optimum (autour de 80-100 %) à dernière feuille et que cette efficience n’est pas nulle dans le sec (en absence de pluie pendant une longue période, on peut avoir une efficience qui descend à 70 % en ammonitrate, et 50 % en solution liquide... mais dans tous les cas, elle ne descend jamais à 0 ! La petite rosée du matin fait souvent du bien pour la valorisation de l'azote. Surtout, nos derniers travaux montrent que c’est la pluie dans les 30 jours derrière un apport qui joue sur son efficacité : il y a encore largement le temps de valoriser cet azote en région. Et donc ne pas attendre non plus une pluie pour apporter cet azote, y aller dès que possible.

Les seuls cas il serait possible d’arrêter les apports d’azote et ne pas épandre la dose conseillée sont les parcelles vraiment moches, très hétérogènes, avec des trous … où on sait que le potentiel est affecté. En terres séchantes, la question peut se poser également de l'intérêt d'un apport, mais sauf accident manifeste dans la parcelle (perte de pieds ou de talles trop importante), c'est souvent dans ce type de parcelle qu'il faut accompagner un peu plus finement les blés : les sols ont moins de réserve, donc si le potentiel n'est pas encore entamé, surtout ne pas relâcher !

Dans certaines situations, les doses conseillées par les outils de pilotage peuvent être élevées :
- Si les premiers et deuxièmes apports ont été réalisés précocement et dans le sec, et surtout sous forme Sol39 ayant subi plus de volatilisation cette année avec le vent d’est, c’est donc normal, il faut suivre le conseil.
- Si les images satellites permettant de générer le conseil ont été prises juste après un apport, celui-ci n’a pas encore été totalement valorisé et n’est donc pas intégré dans le conseil. Il donc faut retrancher ces unités apportées (-20 % pour des apports 10-15 jours avant l’image, -50 % pour des apports 5-10 jours avant l’image, -90 % pour des apports 0 à 5 jours avant l’image).

Enfin, que pourrait-il arriver de grave à mettre l'azote ?

RIEN ! L'azote de fin de cycle ne fait pas échauder (comme on l'entend souvent), et il ne fait pas verser non plus ! c'est l'azote absorbé à 2 nœuds qui conditionne ces deux risques et en 2025, au vu du printemps sec, là n'est pas le problème !