Bovins : Les éleveurs attendent du changement

[Conjoncture sem 41-2021] La filière viande est à l’aube de très grands changements dont les répercussions sont difficilement appréhendables, tant au niveau des éleveurs, des industriels, des marchés export, de la filière aval qu’en dernier lieu, le consommateur qui restera le maître du jeu dans le niveau de prix qu’il sera capable d’accepter.

« Le bien-être animal » sont les mots qui sont les plus employés ces derniers temps quand on parle d’élevage. Ils devraient avant tout être liés au « bien-être de l’éleveur ». Si tout le monde demande plus de bien-être animal, il ne faut pas oublier que de base, dans le métier d’éleveur, le bien-être animal, c’est d’avoir des animaux en bonne santé avec des conditions de vie satisfaisantes pour une activité rentable. Or, il y a une réelle méconnaissance du métier d’éleveur que des associations antispécistes ont largement médiatisé en pointant du doigt les cas extrêmes. Dans bien des cas, ils considèrent l’animal comme « entité » égale de l’homme. Depuis les premières attaques, de l’eau a coulé sous les ponts, et ces actions de déstabilisation ont été le tremplin pour le lancement d’une montée en puissance de l’alimentation à base de protéine végétale. Le résultat est flagrant aujourd’hui, car ces militants ont infiltré toutes les strates décisionnaires et ont fortement influencé les positions des politiques visant à réduire encore plus la consommation de viande auprès des jeunes générations au profit de menus sans viande.   

Lorsque l’on demande aux français, s’ils veulent des animaux en liberté et la fin de l’élevage en cage, comment répondre autre chose que oui, quand on ne connaît pas le monde de l’élevage, les raisons pour lesquelles on a des animaux en bâtiment ?

L’élevage dans ses grandes largeurs porte tous les maux dans un débat sociétal où la relation ancestrale entre l’homme et l’animal est de plus en plus remise en cause. Les consommateurs urbains ont souvent une vision éloignée de la réalité de l’élevage. Ils sont inquiets vis-à-vis du réchauffement climatique et de la perte de biodiversité, et déclarent qu’il est urgent d’agir.

84% des français déclarent que l’alimentation est le premier poste dans lequel ils essaient d’adopter un comportement responsable. La notion de « local » est une demande forte, c’est ce que la vente directe et les grandes enseignes ont cherché à développer. Or, ils y un secteur qui échappe encore à cette démarche, c’est celui de la RHF, non pas des cantines, mais celui des institutions ou des entreprises.

Dans tous ces débats, le nerf de la guerre reste la finance, et c’est ce qui manque le plus à ceux qui sont à la base de l’édifice. Alors que « 54% des français déclarent finir leur fin de mois avec un compte en banque en négatif », des arbitrages sont forcément à faire face, et le budget alimentaire est souvent la variable facilement mobilisable. Le choix porté par la profession sur une montée en gamme avec plus de labels peine à percer avec seulement 3,2% des ventes sur les 40% annoncé pour 2023. Plus de la moitié de la viande consommée en France se fait avec des viandes transformées notamment les steaks hachés. La bataille qui va se dérouler dans les prochains mois va être cruciale, avec des négociations qui devront respecter la loi Egalim2, même si pour les éleveurs, elle est difficilement perceptible tant qu’ils ne verront pas un relèvement de leurs prix de vente.

La filière viande est à l’aube de très grands changements dont les répercussions sont difficilement appréhendables, tant au niveau des éleveurs, des industriels, des marchés export, de la filière aval qu’en dernier lieu, le consommateur qui restera le maître du jeu dans le niveau de prix qu’il sera capable d’accepter dans le flux haussier des charges qui pèse sur leur budget.