Christiane Lambert et le plan de résilience : « Nous n’attendons pas une compensation à l’euro près »

Alors que gouvernement doit annoncer un plan de résilience, la FNSEA attend beaucoup mais pas tout de l’Etat. Elle appelle les consommateurs à participer à « l’effort de guerre » en acceptant de payer plus pour leur alimentation.

« Un éleveur qui fait faillite ne redémarre jamais, pareil pour un maraicher ou un arboriculteur. Je demande au gouvernement de tout faire pour que les outils productifs soient maintenus dans tous les secteurs de production agricole. La flambée du prix de l’énergie, c’est +0,80 euro sur le kilo de tomate. L’aliment qui augmente de 100 €/t en un mois, c’est +15% de coût de production sur le porc ». A l’occasion d’une conférence de presse organisée au Sival, le salon du végétal d’Angers (Maine-et-Loire), la présidente de la FNSEA a énoncé quelques-uns des impacts de la guerre en Ukraine pour l’agriculture française. A la veille de l’annonce par le gouvernement du plan destiné à les amortir, la FNSEA espère que les mesures seront à la hauteur des enjeux de souveraineté alimentaire. « Nous n’attendons pas une compensation à l’euro près car il y a un effort global à faire », a toutefois devisé Christiane Lambert.

"Je demande aux Français de faire un effort, un effort de guerre pour soutenir la production en France"

Tout en saluant « l’élan de solidarité des Français en faveur de l’Ukraine », Christina Lambert a exhorté nos concitoyens à faire un effort pour accepter de payer plus pour leur alimentation d’origine française, « l’une des plus qualitatives au monde ». « Le ministre de l’Agriculture s’est vanté d’avoir obtenu une hausse des prix de 3% à l’issue des négociations commerciales avec la grande distribution en oubliant de dire que l’on sortait de 8 ans de déflation. En 2021, l’inflation alimentaire était de +1,4% contre +2,8% pour l’inflation globale. Chez nos voisins, l’inflation alimentaire était de +5,8 % en Irlande, +6% en Espagne, +8% en Allemagne. En France, c’est nous les producteurs qui trinquons et ça fait des années que ça dure ».

« Si la grande distribution veut de l’origine France, il va falloir qu’elle la paie », lui a emboité Jacques Rouchaussé, président de Légumes de France.

"Je demande au gouvernement qu’il arrête de nous emmerder avec la suppression des molécules"

Les responsables des associations spécialisées en fruits et légumes ont profité du Sival pour redire tout le mal qu’ils pensaient de cette manie franco-française consistant à sur-transposer les normes. « Je demande au gouvernement qu’il arrête de nous emmerder avec la suppression des molécules », a dit Jacques Rouchaussé, en reprenant à dessein le vocabulaire du président de la République à propos des non vaccinés contre le Covid.

Emmanuel Macron en a aussi pris pour son grade à propos de glyphosate. « Moi président je vais faire plus vite que les autres, a ironisé Christiane Lambert à propos du tweet « vengeur » du président de la République en novembre 2017. « Au lieu de s’empresser, il faut réfléchir à deux fois ». La FNSEA espère que la crise actuelle sera l’occasion de remettre la science et la rationalité au centre des débats. « Il y en France une diabolisation de certain sujets et une incapacité à faire l’analyse de la balance bénéfices / risques, ce que l’on n’a jamais fait à propos des OGM, dénonce Christiane Lambert. Espérons qu’il en sera autrement pour les NBT [les nouvelles techniques de sélection des plantes, NDLR] ».

Dédier les SIE aux protéagineux

D’ici là, sur un autre front qui est celui des ZNT, dont le syndicat ne demande pas l’abrogation, la FNSEA espère que les chartes départementales en cours d’élaboration vont permettre d’en atténuer les impacts sur la production. Et à propos de la stratégie européenne Farm to fork, dont « six études concluent à une baisse significative du potentiel productif de l’UE », la FNSEA ne réclame pas davantage son ajournement. « Nous ne sommes pas opposés au Pacte vert et à la stratégie Farm to fork, a dit Christiane Lambert. Alors que l’ONU évoque un ouragan de famine, on demande simplement une révision à la baisse des objectifs. L’agriculture est le secteur de la complexité, il nous faut l’expliquer à nos concitoyens ».

En ce qui concerne la Pac et les 4% de Surfaces d’intérêt écologique (SIE), la FNSEA a demandé à ce que l’on puisse y implanter des cultures protéagineuses au moins pour la campagne, histoire de conforter notre autonomie protéique, sans hypothéquer la durabilité, ces cultures étant captatrices d’azote. Sur ce sujet, les ministres de l’Agriculture européens doivent trancher (unanimité requise) le 21 mars prochain.

La FNSEA demande enfin à lever les verrous autour des énergies vertes agricoles, tels les biocarburants, la méthanisation ou encore l’agrivoltaïsme. « L’agriculture n’a jamais à ce point été au centre des enjeux alimentaires et énergétiques », a conclu Christiane Lambert.