Colère des agriculteurs: les écologistes sur une ligne de crête

La mobilisation des agriculteurs met les écologistes sur une ligne de crête, entre soutien à une profession en grande difficulté sociale et défense de l'environnement.

Alors que les exploitants multiplient les actions dans toute la France, se plaignant de crouler sous les normes et de ne pas gagner assez bien leur vie, les Verts, souvent vus comme les ennemis du monde paysan, tentent de prouver qu'ils sont "les meilleurs alliés de l'agriculture", comme l'affirme la cheffe des écologistes Marine Tondelier.
   Les agriculteurs réclament des simplifications administratives, s'opposent au "Pacte vert" européen qui vise notamment à réduire l'utilisation des pesticides dans l'UE, demandent une baisse du prix du gazole pour les tracteurs ou encore la pleine application de la loi censée obliger industriels et grandes surfaces à mieux payer les produits agricoles.
   Une situation bien plus large que la simple question environnementale, note Marine Tondelier: "Même en supprimant tous les écologistes de France, les problèmes de revenus des agriculteurs et de manque d'eau seront toujours là", souligne-t-elle auprès de l'AFP.
   Cette petite-fille d'agriculteurs, qui a multiplié les déplacements dans des exploitations depuis son élection à la tête du parti, refuse le procès en agribashing fait aux écologistes.

 "Bouc-émissaire" 

Le Premier ministre Gabriel Attal a ainsi fustigé mardi à l'Assemblée nationale les écologistes et Insoumis qui, selon lui, présentent les agriculteurs "comme des bandits, comme des pollueurs de nos terres, comme des tortionnaires de leurs animaux".
   "Le combat des écologistes colle avec le combat des agriculteurs", a répondu Marine Tondelier  mercredi lors d'une conférence de presse, dénonçant "la politique de bouc-émissaire" du chef du gouvernement.
   La patronne des écolos a insisté sur une colère "légitime". "On devrait tous être aux côtés des agriculteurs sur les barricades".
   Elle a mis en cause "les marges qui augmentent dans l'industrie agroalimentaire", entre un prix de vente des agriculteurs "en baisse de 9%" et un prix d'achat que payent les consommateurs "en hausse de 8%".
   "J'ai toujours dit qu'il n'y aura pas de transition écologique sans les agriculteurs. Et pas d'agriculture juste sans transition écologique", a-t-elle insisté auprès de l'AFP, dénonçant un modèle agricole "dans l'impasse".
   Elle a déjà rencontré l'ensemble des organisations agricoles et prévoit plusieurs déplacements dans des fermes avant le Salon de l'agriculture qui se tiendra à partir du 24 février à Paris.
   De son côté, Marie Toussaint, tête de la liste écologiste aux européennes, se rendra jeudi dans une exploitation agricole de la Vienne. "Le problème est social, pas environnemental", souligne-t-elle, appelant les agriculteurs "à ne se tromper ni de colère, ni d'adversaire".
   Les relations ne sont pas toujours simples entre le monde paysan et les écologistes qui s'opposent à une agriculture productiviste, à l'emploi de pesticides que les agriculteurs jugent parfois indispensables et à la création de méga-bassines, ces retenues d'eau que réclament certains exploitants face au problème de la sécheresse.
   "Les normes environnementales, si on les avait mises en oeuvre, on n'aurait pas fait comme ça", rétorque Marine Tondelier, défendant un nécessaire "accompagnement" et des "alternatives" pour faire accepter la transition écologique. 
   En juin dernier dans l'Aude, la patronne des écologistes et la députée EELV Sandrine Rousseau avaient été violemment prises à partie par des vignerons, en se rendant dans une ferme.
   Trois mois plus tôt, Marine Tondelier avait été menacée par des militants de la Coordination rurale en Lot-et-Garonne, quelques jours après la manifestation contre les "méga-bassines" à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) à laquelle elle avait participé.
   Mais pour elle, ce qui se joue aujourd'hui, "c'est une colère des petits contre les gros". "60% de la viande française est produite par 3% des éleveurs. S'il n'y avait pas les fermes-usines, on n'en serait pas là".
   Pour la députée écologiste Marie Pochon, fille et petite-fille de vigneron, la faute repose aussi sur "ceux qui ont choisi de placer notre modèle agricole sur la voie de l'industrialisation, de la compétitivité à outrance et du libre échange dérégulé".
   Résultat, "20% des fermes captent plus de la moitié des aides européennes", alors qu'un agriculteur sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.