Comment le colza tente de s’affranchir des insecticides (et des coléoptères)

La filière se donne trois ans pour trouver des alternatives non chimiques au phosmet, désormais retiré du marché. Dans l’Yonne, le projet R2D2 mise sur le collectif pour juguler les coléoptères à l’échelle d’un territoire, avec des résultats prometteurs.

Interdit à la vente depuis le 1er août pour répondre aux besoins de préservation de la santé publique et de l'environnement, les agriculteurs avaient jusqu’au 1er novembre pour écouler leurs stocks de Borawi WG. Il faudra désormais faire sans le phosmet, sa matière active, pour tenter de contrôler les ravageurs du colza, et plus particulièrement ceux qui résistent aux pyréthrinoïdes. Une situation qui confine à l’impasse dans certaines zones de production, alors que le colza constitue une pièce maitresse dans de nombreux assolements. L’espèce est aussi porteuse d’enjeux en terme de souveraineté oléique et protéique (tourteaux).

8 projets alternatifs

Pour déjouer tous ces risques, le ministère de l’Agriculture, l’INRAE et la filière oléagineuse (Sofiproteol, Terres Inovia) viennent de lancer le Plan d’action de sortie du phosmet. Crédité de cinq millions d’euros de budget, il se donne trois ans pour identifier des alternatives de nature à réduire les attaques et la nuisibilité des ravageurs d’automne. Le projet va mobiliser une vingtaine de partenaires autour de huit projets (non exhaustifs). Ils portent les petits noms d’Adaptacol2 (protection intégrée), Velco-A (champignon entomophage contre l’altise), Certis (biocontrôle associé à l’AgTech), Colzactise (extraits de brassicacées aux propriétés dissuasives sur la grosse altise), Ctrl-Alt (brassicacées plus attractives que le colza), Resalt (variétés résistantes à l’altise d’hiver), AltisOr (identification de composés organiques volatils actifs sur le comportement de l’altise d’hiver) et enfin Lego (élevage intensif de grosses altises au statut physiologique contrôlé). On pourra remarquer le caractère agroécologique de chacun de ces projets.

Projet collectif sur 1300 ha

L’agroécologie, c’est aussi le sauf-conduit exploré par Terres Inovia dans le cadre du projet Dephy Expé R2D2. Lancé début 2020, il fédère 10 agriculteurs sur une sole cumulée de 1300 ha, misant sur la concertation et sur la massification de pratiques agroécologiques en vue à réduire la pression des ravageurs. Sont ainsi mises en œuvre des pratiques destinées à favoriser la robustesse des cultures (décalages de dates de semis, associations d’espèces…), à créer des conditions défavorables aux ravageurs à l’échelle paysagère (intercultures pièges à altises) ou encore à favoriser les régulations biologiques (semis de bandes fleuries, plantations de haies…). En 2021, le cumul de d’intercultures pièges a atteint les 270 ha, celles de bandes fleuries semées les 8 ha.

Le levier de la diversification n’est pas oublié, le triptyque colza blé orge ayant laissé la place à une douzaine d’espèces, dont le tournesol, le pois, la luzerne ou encore le chanvre. Résultats ? En dépit de fortes pressions d’altises d’hiver, l’IFT insecticide a chuté de 78% entre 2019 et 2021, avec un rendement moyen de 27,1 q/ha sur 130 ha. L’IFT insecticide s’est établi à 1,2 alors que la référence nationale est de 2,1 (2017). L’objectif du projet R2D2 est d’aboutir à 0 IFT à son terme, c’est à dire en 2025.