Eau : des défis mondiaux… et franco-français

[Edito] Les solutions comme le stockage et la réutilisation des eaux usées font l’objet d’une réglementation complexe et de conflits sociétaux en France, alors même que les usages de l’eau en agriculture sont voués à augmenter, dans un contexte de hausse de la production mondiale et de changement climatique.

Dans un rapport sur "L'Etat des ressources en terres et en eau pour l'alimentation et l'agriculture dans le monde", publié le 9 décembre, la FAO estime qu'à l'horizon 2050, l'agriculture va devoir accroître son niveau de production de près de 50% par rapport à 2012 afin de satisfaire la demande mondiale. Et cette augmentation de la production pourrait entraîner une hausse des prélèvements d'eau destinés à l'agriculture pouvant aller jusqu'à 35%.

Or, dans le même temps, l’agriculture fait face au changement climatique et à son impact sur la ressource en eau : en France, les scénarios à horizon 2065 montrent une baisse du débit moyen des cours d’eau de 10 à 40% et une baisse de 16 à 34% des précipitations printanières et estivales.

Les techniques permettant d’optimiser l’utilisation de l’eau en agriculture sont déjà mises en œuvre depuis de nombreuses années : les méthodes d’irrigation en goutte-à-goutte, l’usage des sondes capacitives et des stations météo connectées ont permis de diminuer la consommation d’eau par hectare, de même que le recours à la génétique avec des variétés plus résistantes à la sécheresse, ainsi que la mise en place de couverts végétaux permettant de protéger les sols et de retenir l’eau.

Mais malgré ces économies, l’eau reste une nécessité, et les sécheresses répétitives couplées aux arrêtés de restriction d’eau que la France connaît désormais quasiment chaque année le rappellent tragiquement aux agriculteurs et aux éleveurs.

« Les citoyens qui récupèrent l’eau qui tombe de leurs gouttières sont récompensés, mais les agriculteurs qui veulent faire un trou pour stocker l’eau sur leurs exploitations sont traités de criminels », déplore André Bernard, président de la chambre d’agriculture de la région Paca. Le 9 décembre, il participait à une conférence conjointe entre les chambres d’agriculture et la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), toutes deux parties prenantes du « Varenne agricole de l’eau et du changement climatique », dont les conclusions sont attendues début 2022.

Outre le stockage, il a été question de réutilisation des eaux usées traitées, que la France peine à mettre en œuvre par rapport à d’autres pays. « Nous réutilisons en France 0,8% des eaux, alors que l’Espagne est à 14% et l’Italie à 8% », a indiqué Maximilien Pellegrini, président de la FP2E. Alors que la législation européenne promeut la réutilisation des eaux usées traitées, la réglementation française impose trop de contraintes. « Est-il normal que la voirie soit nettoyée avec de l’eau potable ? », interroge Maximilien Pellegrini.

Selon le dernier baromètre « Les Français et l’eau » (Kantar / CIEau 2021), 81% des français accepteraient de consommer des légumes arrosés avec des eaux usées dépolluées. Cela tombe bien, car ils le font déjà en achetant des tomates espagnoles !