Economiser en séchant moins le maïs grain : attention au risque de dégradation de la qualité

Dans un contexte de rareté du gaz, il peut être tentant de réduire la consommation énergétique en acceptant une teneur en eau en fin de séchage du maïs supérieure à 15 % ou 16 %. Quelles seraient les conséquences d’une telle pratique sur la qualité du grain et son aptitude à la conservation ?

Pour préserver la qualité sanitaire et technologique du maïs, il est recommandé de conserver des grains à une teneur en eau inférieure à 16 %. Au-delà, les risques de dégradation, y compris sanitaire, existent. Le choix de retarder les récoltes pour récolter plus sec doit intégrer les risques liés aux mycotoxines susceptibles d’être produites au champ, ainsi que les conditions météo de l’année. Les chantiers de récolte doivent être organisés avec pour objectif de proscrire les récoltes tardives.

Pourquoi baisser la teneur en eau à 15-16 % ?

En-deçà d’une certaine humidité relative, l’activité physiologique du grain et le développement de moisissures ou de bactéries sont stoppés. On s’accorde en général sur les limites suivantes :

  • développement bactérien : humidité relative ≥ 90 %,
  • développement de levures : humidité relative ≥ 80 %,
  • développement de moisissures et activité enzymatique : humidité relative ≥ 65 %.

Pour stocker du grain dans de bonnes conditions, on doit donc assurer une humidité relative inférieure à 65 %. L’humidité relative à l’équilibre (HRE) dépend de la teneur en eau du grain et de la température.

Les différents modèles isothermes permettent d’estimer les humidités relatives à l’équilibre dans un stockage de maïs (tableau 1). Un maïs présentant une teneur en eau de 15 % échappe théoriquement aux dégradations lorsque la température du stockage est autour de 10°C, ce qui n’est pas le cas lorsque le maïs a une teneur en eau plus élevée.

Par ailleurs, il est important de rappeler que l’HRE limite pour la production de mycotoxines de stockage (aflatoxine ou OTA) se situe autour de 83 %. Les situations à risque sanitaire sont donc plus nombreuses lorsque le maïs est stocké à une teneur en eau supérieure à 15 %.

* à titre indicatif, la variété de maïs peut influencer la relation entre TE, HR et HRE. C’est pourquoi il existe plusieurs équations isothermes.

Peut-on sécher avec sobriété ?

Les conduites de séchoirs économes en énergie sont connues :

  • Le séchage est d’autant plus performant que la température de séchage est élevée, mais le choix d’une température élevée doit être limitée par la température admissible en fin de séchage pour préserver la qualité du grain.
  • Un pré-nettoyage avant séchage contribue à réduire la consommation énergétique du séchage. Il permet d’éliminer les impuretés dont l’humidité est parfois bien supérieure à celle du maïs.

Le refroidissement lent différé (ou dryération) consiste à retirer les derniers points d’humidité en refroidissant le grain sorti du séchoir chaud (55 à 60°C) et humide (17 à 18 %). Cette technique permet des économies d’énergie et un séchage de qualité, mais elle nécessite des cellules équipées d’une ventilation renforcée (40 à 50 m3/h/m3). La pseudo-dryération, qui consiste à sortir le grain du séchoir à 16,5 % et environ 30°C, puis à le ventiler à l’air ambiant, ne nécessite pas d’investissement particulier. En revanche, cette technique ne présente qu’un intérêt limité en termes d’économie d’énergie : c’est surtout la différence de température entre l’air de ventilation et le grain qui donne à l’air son pouvoir séchant dans cette situation.

Enfin, il ne faut pas compter sur un séchage par ventilation après refroidissement du maïs. En effet, il ne pourra y avoir de séchage que si l’humidité relative de l’air est inférieure à celle du grain à l’équilibre (HRE). Pour obtenir la teneur en eau du grain après ventilation en fonction de la température et de l’air de ventilation, téléchargez le tableau en pdf.

Peut-on retarder les récoltes pour récolter plus sec ?

Laisser sécher le maïs sur pied peut présenter un intérêt économique en diminuant les coûts de séchage. En revanche, ce choix n’est pas sans conséquence sur la qualité sanitaire des récoltes :

  • Si l’année a été favorable aux contaminations par F. graminearum, le risque de contamination par le DON doit être pris en compte et les récoltes tardives sont à proscrire (figure 1). Sur l’aire de collecte, il faut alors privilégier la récolte des parcelles les plus fragilisées en priorité pour préserver leur qualité sanitaire.
  • Si l’année a été favorable aux contaminations par A. flavus et/ou A. parasiticus, le risque aflatoxines devra également être intégré car la production des aflatoxines dans les grains a lieu après maturité physiologique, avec peu de contraintes de températures et d’humidité. Si les pathogènes ont contaminé les épis pendant l’été, plus le maïs restera sur pied longtemps et plus le risque aflatoxines sera élevé.
  • Plus largement, tant que le maïs n’est pas stabilisé à 15-16 % de teneur en eau, le complexe fongique - qu’il soit toxinogène ou non - peut continuer de se développer et altérer la qualité des grains.

Le choix de retarder les récoltes doit aussi prendre en compte les conditions météo. Un temps sec, ensoleillé et chaud va favoriser la dessication. Mais plus la saison avance, moins ces conditions sont réunies. Prudence donc sur les récoltes tardives, les gains d’humidité étant de plus en plus limités et les fenêtres favorables à la récolte plus rares.

En fonction de la localisation géographique, la date de récolte est considérée tardive au-delà du 25 octobre, 1er novembre ou 5 novembre.