[Sommet] Lait de montagne : des enjeux vitaux pour les territoires

Le lait de montagne est porteur d’enjeux économiques vitaux pour le revenu des exploitations et pour territoires via les emplois induits. Encore faut-il mieux le valoriser pour interrompre l’hémorragie vers le troupeau allaitant, notamment dans le Massif Central. L’Institut de l’élevage et FranceAgriMer dressent une liste de recommandations, avec la Pac en ligne de mire.

« Après la Prime de maintien pour les troupeaux de vaches allaitantes, il est peut-être venu le temps de créer une Prime de maintien pour les troupeaux de vaches laitières en zone de montagne ». La suggestion est formulée par Yannick Pechuzal, chef de projet au département économie de l'Institut de l'élevage. Dans le cadre du Sommet de l'élevage, l'Idele présentait une étude portant sur la dynamique de la filière lait de montagne, réalisée avec FranceAgriMer. Une étude destinée à appréhender les conséquences de la fin des quotas laitiers dans les zones de montagne où les handicaps naturels (topographie, climat, herbe majoritaire, tension foncière, surcoûts de production et de collecte) ne sont pas compensés, ni par le prix du lait, ni par les aides spécifiques. « Le surcoût de production par rapport à du lait de plaine est estimé à 130 €/1000 l tandis que les aides plafonnent à 60 €/1000 l », poursuit Yannick Pechuzal.

Le modèle du Jura et de la Savoie

Résultat : dans le Massif Central, quand une vache laitière disparaît, une vache allaitante apparaît. Le problème, c'est que le lait génère un produit brut de 2300 €/ha et 1,07 emploi contre 870 €/ha et 0,76 emploi pour la viande. « Derrière la question de la rémunération du lait, c'est la vitalité économique des territoires qui est en jeu », pointe Michel Lacoste, secrétaire général adjoint FNPL. Les cinq massifs montagneux ne sont pas tous logés à la même enseigne et les regards se tournent vers le Jura et la Savoie, des modèles du genre pour valoriser le lait de montagne via des AOP. Là-bas, la production sous signe de qualité concerne 75 % de la collecte contre 25 % dans le Massif Central. « Il faut s'inspirer des AOP des massifs montagneux de l'Est de l'Est de la France et de leurs pratiques en matière de cahier des charges, de gestion de la qualité et des volumes, de l'exploitation de marques », poursuit Michel Lacoste. « Il faut peut-être commencer par s'interroger sur la dénomination « lait de montagne », qui relève d'initiatives privées et non collectives. La réflexion doit s'engager ».

Cahier des charges

Carrefour, qui se targue d'avoir été l'enseigne pionnière dans la mise en avant des laits de montagne dans ses rayons, veut bien alimenter le débat, sur la base de l'analyse des attentes de ses clients. « Le lait de montagne constitue le premier choix des acheteurs de lait bio... dès lors que celui-ci fait face à des pénuries », souligne Marc Delage, directeur des produits ultra frais et lait chez le distributeur. « Cependant, dans nos rayons, les derniers chiffres correspondant au mois de juillet font état d'une baisse des ventes de 2,5% des laits de montagne quand dans le même temps, les laits bio progressaient de 22 %. Quant aux laits de plaine, ils étaient en baisse de 11% ». L'enseigne formule quelques pistes de réflexion pour mieux valoriser le lait de montagne. « L'absence de nourriture OGM, la suppression de l'ensilage, une durée minimum de pâturage compatible avec le maintien d'une flore naturelle d'altitude, la traite non robotise ou encore la prise en compte du bien-être animal en sont les principaux axes », détaille Marc Delage qui, en contrepartie, se dit prêt à signer des contrats tripartites.

La Pac à la rescousse ?

La segmentation et la montée en gamme font bel et bien partie des leviers identifiés par l'Institut de l'élevage et FranceAgriMer pour préserver la production laitière dans les zones de montagne et de piémont. Pour mettre de l'huile dans les rouages, les professionnels misent aussi sur un nouveau fléchage des aides européennes : pérennisation et revalorisation de l'ICHN, indexée sur les coûts de production et non sur le prix du lait, aides spécifiques de type PMTVA mais pour les vaches laitières en zone de montagne, aides à l'investissement dans les infrastructures. « L'échéance est proche mais c'est un dossier sur lequel nous avançons groupés au sein de l'interprofession », plaide Michel Lacoste. « Grâce à cette étude, nous avons des arguments à faire valoir pour convaincre les décideurs de reconsidérer le soutien à apporter au secteur laitier dans les zones de montagne, soutien qui, je le répète, supporte de gros enjeux économiques pour la vitalité des territoires et pour l'emploi ». Pour Yannick Pechuzal, « il faut décréter un plan « emploi montagne » destiné à pallier le manque d'attractivité des emplois dans les exploitations agricoles et dans les entreprises de collecte et de transformation, doublé d'exonérations fiscales spécifiques ». L'étude pointe également la nécessité de soutenir les entreprises de collecte, sujettes à des surcoûts moyens de 5 à 15 €/1000 l par rapport aux laits de plaine. Les pistes empruntent des  aides à l'investissement (citerne compartimentées), des exonérations ciblées de charges salariales et des détaxations de carburant.