Enjeux climatiques : et si la solution pour baisser la production de méthane entérique chez les vaches passait par les algues ?

Faire manger des algues à nos vaches ? Une idée apparemment saugrenue et pourtant prometteuse. Ainsi, le projet français Meth’Algue porté par l’Institut de l’élevage avec l’aide du Ceva, Centre d’étude et valorisation des algues ainsi que l’Inrae semble sur la bonne voie et a toute sa place dans la vaste recherche sur la baisse des émissions de méthane.

Les algues, un levier potentiel pour limiter l’impact environnemental des élevages bovins.  Jusqu’ici la recherche autour des macroalgues et des microalgues comme solution potentielle pour réduire les émissions de méthane entérique chez la vache laitière, se concentrait sur les algues tropicales. Chargées en bromoforme - une molécule - elles agissent directement sur l’inhibition de la production de méthane dans le rumen :  jusqu’à - 96 % de méthane produit ! “Nous nous sommes donc posé la question : est-ce qu’il y a des algues en France qui peuvent répondre à cet enjeu ?”, explique Benoît Rouillé, pilote du projet Meth’Algues à l’Institut de l’élevage. 

©BenoitRouille
Benoit Rouille a piloté le projet Meth'algues, il est désormais responsable climat à l'Institut de l'élevage, Idele

Une synergie entre la filière de la terre et celle de la mer

Hormis son intérêt sur l’avancée de la recherche, ce projet a de plus, permis de créer “des ponts entre des filières qui communiquent peu entre elles”, souligne Benoît Rouillé mais aussi la valorisation de la filière bretonne. L’Institut de l’élevage et le CEVA, ont donc retenu deux algues présentes sur les Côtes d’Armor : Chondrus crispus et Fucus vesiculosus, deux espèces au potentiel élevé permettant la réduction de méthane de 6% à 55% in vitro. 

De la recherche à l’in vivo

Nous avons ensuite fait un mélange des deux algues, 60 % Fucus et 40 % Chrondrus, poursuit Benoit Rouillé. Les algues étaient préparées par le CEVA en petites quantités dans des conditions très contrôlées". Le mélange a ensuite été testé In vitro. Les fermentations du rumen ont été reproduites en laboratoire à partir du jus de rumen de vaches laitières et de salive artificielle. Les résultats, probants,   ont permis deux essais in vivo. “L’un, très contrôlé avec l’INRAE en 2022, l’autre, plus zootechnique, appliqué aux conditions d’élevage”. 

Un résultat en-deçà des espérances mais utile pour l’avenir de la recherche

Le projet qui est allé au bout de son expérimentation ne permet pas d’obtenir des résultats aussi spectaculaires que les tests effectués in vitro. Il n’y a pas de réduction des émissions de méthane. “Mais ce n’est pas un coup d’épée dans l’eau, bien au contraire, souligne Benoît Rouillé. En effet le projet Meth’Algues a permis de faire avancer la recherche, de montrer qu’il n’y avait pas de conséquences négatives chez la vache dans l'absorption des algues”. Cette étude a réussi à poser un cadre aux conditions d’expérimentation. Pour Benoît Rouillé la différence entre les résultats in vitro et in vivo s’explique par trois hypothèses :

- la molécule active semblerait moins présente au moment où elle est distribuée aux animaux

- le sourcing des algues in vitro et in vivo n’a pas été le même (récoltes différées par exemple) ce qui explique la différence de résultats.

- la différence de milieu des recherches : in vitro et in vivo restent des conditions de cultures différentes. “Le in vitro permet beaucoup de choses mais nous n’arrivons pas à reproduire à l’identique ce qui se passe dans le rumen d'une vache”, constate Benoît Rouillé. 

Meth’algues, une base de recherche qui s’inscrit dans un projet plus grand : méthane 2030

Si la solution de donner des algues françaises aux vaches est abandonnée, l’idée elle reste d’actualité.  “Peut-être pas avec des algues locales, précise Benoît Rouillé, nous ne le savons pas encore, mais il est clair que les algues ont un réel potentiel dans la réduction de la production de méthane : avec une cuillère à café d’une dose par vache et par jour, on peut espérer réduire les émissions de 15 à 30 %”. 

Le projet Méthane 2030, financé par France Relance et par Api-Gene fait le lien avec le Meth’ algues. Certains additifs alimentaires, "qui vont très certainement contenir des algues”, seront testés conclut Benoît Rouillé, désormais responsable du projet climat à l’Institut de l’élevage.