F. Descrozaille : « Sur l’assurance récolte, la balle est dans le camp des agriculteurs et des assureurs »

A l’origine de la loi réformant la gestion des risques climatiques, le député Frédéric Descrozaille (Renaissance) évoque ses enjeux, au lendemain des annonces budgétaires du gouvernement et des arbitrages triennaux. Interview.

Les agriculteurs vont-ils adhérer en masse au nouveau dispositif de gestion des risques ?

F. Descrozaille : avec ce qui vient d’être décidé, à savoir les paramètres d’une part, en particulier Omnibus, et sur les engagements budgétaires de l’Etat d’autre part, les responsables professionnels ont les éléments pour porter la réforme sur le terrain et pour dire : il faut y aller. Mais je n’ai pas de boule de cristal. La balle est dans le camp des agriculteurs.

Sur quelle base pourra-t-on affirmer, ou infirmer, que la greffe a pris ?

F. Descrozaille : le juge de paix, ce sera le taux de souscription mais je me garderai de donner un chiffre. En 2023, il nous faudra des échos positifs, de la part des interprofessions et des territoires, actant un relèvement des niveaux des souscription pour affirmer que le processus d’adhésion est enclenché. On ne le saura donc que l’année prochaine.

Le dispositif sera-t-il efficient à la condition d’enregistrer un taux de souscription massif, gage de mutualisation ?

F. Descrozaille : absolument, mais c’est moins une condition sine qua non qu’un objectif. Le dispositif sera d’autant plus efficace pour que les filières s’adapteront au changement climatique par bassin et que l’on aura une connaissance très fine des données de sinistralité, y compris pour les productions orphelines qui étaient jusqu’à présent dépourvues d’offres assurantielles. Et ces données de sinistralité, c’est le pool des assureurs, créé par la loi, qui va les fournir. En tant que député, j’aurais néanmoins souhaité que le pool soit créé beaucoup plus vite car le délai de 18 mois est trop long selon moi.

Attendez-vous des assureurs une révision à la baisse du tarif des assurance ?

F. Descrozaille : nous étions jusqu’à présent dans un système où les assureurs couvraient tous les risques jusqu’à 100% de pertes. Le fait que l’État prenne 50%, c’est 15% de risque en moins, toutes choses égales par ailleurs. Si l’assurance récolte coûte la même chose alors que j’ai une dégradation de ma référence à cause de la moyenne olympique, les agriculteurs ne vont pas y aller. Je compte donc sur une baisse des cotisations. Pour autant, je n’exclus pas une mauvaise surprise. Mais ce n’est pas compliqué : soit les primes baissent, soit les conditions d’indemnisation montent, c’est l’un ou l’autre. Or, sur les conditions d’indemnisation, on est prisonnier de la question des moyennes olympiques. La balle est donc aussi dans le camp des assureurs.

Le nouveau dispositif est-il réellement universel, n’excluant a priori aucun agriculteur ?

F. Descrozaille : : il ne le sera peut-être pas totalement en 2023 mais il a vocation à l’être rapidement car la loi prévoit un recours à la Codar (*) pour les productions orphelines. Si les assureurs estiment qu’ils ne peuvent pas assurer telle ou telle production par défaut de données, par exemple l’introduction d’une variété tropicale pour laquelle l’assureur n’a pas de référence, la loi prévoit que l’Etat joue le rôle de réassureur en couvrant pendant deux ou trois ans l’équilibre technique si celui-ci est dégradé, le temps que les assureurs peaufinent leur connaissance du marché, l’idée étant de ne pas bloquer l’innovation.

La moyenne olympique est perçue comme un repoussoir : quels recours possibles ?

F. Descrozaille : instituée par l’OMC lors des accords de Marrakech en 1994, la moyenne olympique est censée ménager les distorsions de concurrence. Avec les accords de Marrakech, toutes les formes de soutien à l’agriculture avaient vocation à diminuer, jusqu’à disparaître. Or personne ne le fait, donc on s’est trompé. Je suis convaincu qu’il faudrait dénoncer ces accords pour relancer une négociation multilatérale sur une autre base, avec la question de l’accès à l’eau et à l’alimentation de manière radicalement différente de ce qui a été discuté à l’époque. Soit on bascule le système assurantiel dans la boite orange comme le font les Espagnols, et là on sort de la boite verte et il n’y a plus de moyenne olympique. Mais c’est quelque chose qui peut avoir des impacts et fait prendre un risque aux administrations car il peut y avoir des pénalités. Soit on fait bouger au niveau européen, c’est à dire que l’on traduit autrement l’esprit de ce qui s’est fait à Marrakech, voire on en sort progressivement, mais cela va prendre des années.

(*) Comité chargé de l'orientation et du développent des assurances récoltes, une émanation du CNGRA chargée d’émettre des recommandations sur les seuils de pertes de production, les taux de subvention et les taux d’indemnisation.