FDSEA : “Les rats, le poison du canton”

Membres actifs de la FDSEA, Jean-Michel Fages et Géraud Riffaud accueillent l’AG du syndicat le 4 novembre sur leur canton d’Aurillac... miné par les rats taupiers.

Il y a des combats inégaux, où même les armées les mieux entraînées et dotées de technologies avancées sont mises en déroute par des ennemis dont les rangs se renouvellent et se renforcent de façon exponentielle opérant un travail de sape sournois. Bromadiolone, gaz PH3 contre les taupes, “les unités d’avant-garde”, des campagnols, Rodenator, Ratron GW, relance du Gdon(1) local... “On a tout essayé, on s’est formé, on a acheté je ne sais combien de cannes, une charrue...”, lâche, désabusé, Jean-Michel Fages, éleveur à Roudadou sur les hauteurs de Saint-Simon. “On essaie de s’adapter, les gens retravaillent les terres, il s’est mis plus de blés, de maïs,... mais rien n’y fait”, complète son collègue Géraud Riffaud, lui aussi éleveur de vaches allaitantes à Marmanhac.
“On a tout essayé”
Tous deux sont engagés de longue date au sein de la FDSEA du Cantal et vendredi 4 novembre, c’est à Aurillac, sur leur canton, qu’ils accueilleront l’assemblée générale du syndicat. Un canton miné depuis bientôt deux décennies par les cycles de pullulation du rat taupier : 2005-2006, 2010-2011, 2015-2016, à chaque fois  des épisodes catastrophiques. Celui qui a débuté en 2019 est pire : “Depuis trois ans, les rats ne partent plus, avant c’était des cycles, maintenant ils sont toujours là, avec des dégâts qui, cette année, s’échelonnent entre 50 et 80 % sur les plateaux à
800 m d’altitude et plus”, décrit Jean-Michel Fages, délégué cantonal FDSEA. Sur ses parcelles situées sur la route des Crêtes, Géraud Riffaud n’a pas engrangé plus de quatre bottes à l’hectare...
“Le Ratron, il a de l’efficacité mais sur un mois et demi, il faudrait cinq à six passages dans l’année”, estime Jean-Michel Fages. Un chantier pharaonique : traiter 75 ha de prairies à chaque fois, tout bonnement impossible. Sans compter le coût, tout aussi rédhibitoire : près de 5 000 € HT. “Depuis 2015, on a obtenu des choses, le Ratron, la mécanisation, que le FMSE(2) prenne en charge 75 % des frais de lutte dans le cadre des contrats, mais depuis 2020... on attend les remboursements, ça va bientôt faire trois ans, comment voulez-vous que les gens ne soient pas dégouttés et continuent à traiter ?”, questionne le délégué cantonal, dont la passion pour ce métier s’émousse par moments. “Même mes deux fils qui envisagent de s’installer me disent qu’il faudrait partir d’ici pour s’installer ailleurs !”, confie-t-il.
Ailleurs pour ne plus subir de tels ravages, sortir la tête de l’eau et regarder l’avenir un peu plus sereinement : “La dernière bonne année pour nous a été 2017 ; contrairement à nos collègues, même en 2019, on n’a pas pu faire de stocks. Depuis cinq ans d’ailleurs, impossible de constituer des stocks, ça fait peur...”, soupirent les deux éleveurs.
Plus de stocks depuis cinq ans
Avec pour conséquences, des achats de fourrages dont la facture devrait encore dépasser cette année les 15 000 € et un cheptel qui commence à se dégarnir : 8 UGB(3) de moins chez Jean-Michel Fages, 15 vaches vendues pour Géraud Riffaud. “Moins on a de vaches, moins on achète pour les nourrir, mais où ça va s’arrêter ?”, interroge Jean-Michel Fages, pour qui les éleveurs du secteur vont être doublement pénalisés avec une nouvelle Pac qui soutient la culture de légumineuses : “Chez nous, c’est interdit, car les rats en raffolent !” La solution ? Ils rêvent à un moyen de lutte simple, efficace et abordable. Des messages qu’ils n’hésiteront pas à afficher le 4 novembre aux représentants de l’État et à Joël Limouzin, président du FMSE.
P. OLIVIERI
(1) Groupement de défense contre les organismes nuisibles.
(2) Fonds de mutualisation sanitaire et environnemental, cofinancé par les exploitants agricoles via des cotisations.
(2) Unité gros bovin.