Forte baisse de l’usage d’antibiotiques en dix ans dans les élevages de porcs

De 2010 à 2019 la filière porcine a réduit de 67 % l’exposition des animaux aux antibiotiques, selon la 4e édition du panel Inaporc. Les résultats sont différents par catégories d’animaux, mais tous sont très significatifs.

L’exposition aux antibiotiques a fortement baissé pour toutes les catégories d’animaux entre 2010 et 2019. L’Alea (Animal Level of Exposure to Antimicrobials) du panel Inaporc indique une diminution de 67 % pour l’ensemble de la filière : 52 % pour les truies, 66 % pour les porcelets sous la mère, 78 % pour les porcelets en post-sevrage et 88 % pour les porcs en engraissement. 

En post-sevrage, la baisse s’explique principalement par une diminution de l’utilisation de prémélange médicamenteux, que ce soit en nombre de jour de traitement par animal (- 87 %) qu’en pourcentage d’élevages utilisateurs (de 84 % en 2010 à 27 % en 2019). Il s’agit essentiellement des prémélanges à base de colistine, qui ont fortement diminué suite à la décision de la Commission européenne et de l’Anses de supprimer, en 2016, les indications d’usage préventif de la colistine orale et de limiter les traitements à sept jours. En 2019, pour la première fois depuis la première édition du panel Inaporc, la colistine n’est plus administrée en prémélange et ce n’est plus la famille d’antibiotique la plus utilisée en post-sevrage (17 % des usages, contre 20 % pour les tétracyclines). Aucun report sur d’autres formes pharmaceutiques n’a eu lieu puisque l’exposition aux antibiotiques via les poudres, solutions ou pâtes orales a diminué de 44 % et celle en injectables de 37 %. Parallèlement, les traitements par antibiotiques contre des problèmes digestifs n’ont pas augmenté, au contraire : le taux d’élevage ayant traité pour ces raisons est passé de 90 % en 2010 à 63 % en 2019.

 

 
 

 

Baisse importante des traitements collectifs sur les truies

La moindre utilisation des antibiotiques sur les truies s’explique par la baisse importante des traitements collectifs par voie orale : - 26 % depuis 2010 mais surtout - 62 % depuis 2013. Les principaux motifs de traitement restent les problèmes urogénitaux (64 % des usages). Pour autant l’exposition aux antibiotiques pour ce motif a diminué de 59 % depuis 2013. Le taux d’élevages utilisateurs est, lui, resté stable : 70 % en moyenne depuis 2010. Ces résultats tendent à montrer que l’état sanitaire des troupeaux s’est stabilisé, voire amélioré, et qu’une partie des problèmes urogénitaux a été gérée par des mesures préventives comme la biosécurité, l’alimentation. Une partie de la baisse est potentiellement imputable à la mise sur le marché d’un nouveau vaccin contre la leptospirose.

Pour les porcelets sous la mère, l’usage d’antibiotiques a baissé dans un premier temps grâce à l’arrêt total des prémélanges dès 2013, puis par une forte diminution de l’utilisation de poudres et solutions orales pour ces animaux : - 90 % depuis 2016. Aujourd’hui, les traitements injectables sont largement privilégiés et ce, principalement pour des problèmes digestifs et locomoteurs.

44 % des élevages sans antibiotiques en engraissement

Enfin, l’utilisation d’antibiotiques est la plus faible en engraissement. Quarante-quatre pour cent des éleveurs ont déclaré n’avoir utilisé aucun antibiotique sur des porcs à ce stade. La prise de conscience de la trop forte utilisation d’antibiotiques, le déploiement de mesures préventives hors antibiotiques et la multiplication de cahiers des charges « porcs sans antibiotiques » à différents stades ont clairement influencé ce résultat. De plus, aujourd’hui dans les élevages ayant une bonne maîtrise sanitaire, la prévalence des maladies infectieuses en engraissement est assez rare. Néanmoins, l’absence totale de traitements antibiotiques en engraissement a pu être une déclaration simplificatrice par certains éleveurs qui réalisent en réalité quelques traitements individuels très ponctuels. N’oublions pas que l’objectif n’est pas de tomber dans l’excès de s’interdire totalement l’usage d’antibiotique comme l’ont parfois soulevé certains éleveurs ou vétérinaires.

Alexandre Poissonnet

Antibiotiques critiques : objectif (presque) atteint !

Depuis 2016, les céphalosporines de 3e et 4e générations ne sont plus utilisées en post-sevrage et en engraissement. Mais quelques utilisations persistaient sur les truies et les porcelets sous la mère. En 2019, aucun produit vétérinaire de cette famille d’antibiotique n’a été acheté dans tous les élevages du panel Inaporc. Du côté des fluoroquinolones, aucun n’a été utilisé en post-sevrage et en engraissement. Pour les truies et les porcelets sous la mère il y a eu des diminutions de respectivement 86 % et 95 % depuis 2010.

 

 

 

Une enquête auprès d’un panel d’élevages représentatifs

Pour constituer le Panel Inaporc, 420 élevages ont été tirés au sort dans la base de données BD Porc. 161 élevages ont dû être exclus dès le démarrage de l’enquête en raison de données absentes ou non exploitables (arrêt de l’élevage, changement d’activité, travaux, éleveurs non joignables). Sur les élevages restants 67 % ont accepté de participer, ce qui est un très bon score. Malheureusement suite au refus d’un groupement de producteur, de certains vétérinaires et fournisseurs d’aliment de participer à l’étude, seuls 118 éleveurs ont pu aller au bout de l’enquête. Néanmoins ce panel d’éleveurs reste conséquent. Il est de plus représentatif des exploitations porcines françaises sur les trois critères testés : la localisation (42 % sont en Bretagne), le type d’activité (42 % sont naisseurs-engraisseurs) et enfin les effectifs d’animaux (48 % ont plus de 200 truies et 36 % ont plus de 680 places d’engraissement). La liste des achats d’antibiotiques réalisés par les élevages en 2019 a été fournie par les vétérinaires et fabricants d’aliment ayant délivré des médicaments aux éleveurs. Une enquête téléphonique auprès des éleveurs a enfin permis de préciser les catégories d’animaux destinataires des antibiotiques (truies, porcelets en maternité, porcs en post-sevrage et en engraissement) et les principaux motifs de traitement.