Des couverts végétaux au cœur du bassin maraîcher nantais

Face à une pression sociétale de plus en plus forte et à l’interdiction de certaines matières actives, Cyril Pogu, maraîcher en Loire-Atlantique, mise sur l’expérimentation pour trouver de nouvelles solutions de conduites culturales. Couverts végétaux et biocontrôle sont actuellement au cœur des attentes.

Sur la commune de Pont-Saint-Martin, au sud de la métropole nantaise, l'exploitation maraîchère de Cyril Pogu est typique du secteur. Il y cultive évidemment de la mâche, mais aussi du fenouil, des radis et des salades sur 40 hectares, dont 6 hectares en multi-chapelles. En plus d'être producteur, le maraîcher cumule un certain nombre de casquettes : vice-président de Légumes de France, administrateur de la coopérative Océane ou encore référent professionnel pour la partie expérimentation plein champ et abri froid au sein du Comité départemental de développement maraîcher (CDDM).

"Une volonté permanente de trouver de nouvelles méthodes de protection."

Ce dernier poste a une signification toute particulière pour lui dans un contexte général de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, voire de leur interdiction. « On est vraiment dans la recherche appliquée avec une volonté permanente de trouver de nouvelles méthodes de protection », souligne le producteur.

Concilier mâche et couverts végétaux

S'il a des engagements à l'échelle régionale, le maraîcher s'implique aussi personnellement en accueillant des expérimentations sur son exploitation. Et depuis trois ans, ce sont les couverts végétaux qui sont sous les feux de la rampe. « J'en mettais déjà avant, mais nous avons accéléré dernièrement avec l'embauche d'une conseillère au CDDM qui travaille spécifiquement sur la qualité et vie du sol », explique Cyril Pogu. L'interdiction du métham-sodium a également encouragé le développement de cette pratique avec l'allongement des rotations et les problématiques de désherbage plus importantes.

« Je teste des nouveaux mélanges chaque année. Il y a eu de l'orge, du seigle, du sorgho, de la moutarde et cette année j'ai mis un mélange de moha et trèfle incarnat. C'est vraiment spectaculaire l'effet sur l'aération du sol », témoigne le producteur ligérien.

Gestion délicate des résidus

Dans la rotation maraîchère typique du bassin nantais, avec la production de mâche en hiver, les couverts trouvent toute leur place avec un semis en avril et une destruction en fin d'été. Mais la technique nécessite quelques adaptations par rapport à un couvert en grandes cultures. « Au-delà du fait que nous avons souvent des parcelles toutes équipées en système d'irrigation fixe et pas simple à travailler, les couverts végétaux génèrent aussi des résidus de pailles et de racines qui risquent de se retrouver dans les barquettes de mâche avec la récolte mécanisée, regrette le maraîcher. Or le cahier des charges n'autorise pas ce type de corps étrangers ».

L'objectif des expérimentations est donc maintenant de trouver des couverts végétaux alliant production de matière sèche, structuration du sol et dont les résidus ne gênent pas la culture de mâche. Une des pistes principalement suivies est de mettre au point un itinéraire technique afin que la plante ne monte pas en tige.

De son côté, Cyril Pogu a trouvé un compromis qui offre de bons résultats : il broie le couvert en juin avant d'implanter fenouil et salade. L'action conjuguée de la pousse de ces cultures et de l'irrigation pendant l'été permet de dégrader suffisamment les résidus avant la culture de mâche de l'automne.

Des attentes fortes sur le biocontrôle

Un autre axe majeur de recherche du CDDM concerne les produits de biocontrôle. « L'approche est différente de la protection chimique, ce sont des produits ayant une action très ciblée et il y a de nombreux acteurs sur le marché. Tout le travail actuellement est d'expérimenter et de faire le tri entre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas », résume Cyril Pogu.

L'enjeu concerne notamment les anti-pythiacés sur lesquels les maraîchers nantais ont une impasse technique depuis l'arrêt du métham-sodium. « Sur mâche, il y a trois pythium et nous n'avons identifié qu'un produit de biocontrôle. Et encore, il ne fonctionne que sur un des trois pythium », précise le maraîcher.

À titre personnel, il accueille sur son exploitation une expérimentation sur 10 000 batavias avec 20 modalités et 4 répétitions pour tester des solutions contre rhizoctonia et sclérotinia. Il s'engage à mettre à disposition une parcelle et à assurer l'entretien classique de la culture, notamment l'irrigation.

Ce même essai avait été réalisé l'an dernier mais sans succès faute d'une expression suffisante des champignons. « Pendant le développement de la culture, j'essaie d'accompagner le plus souvent possible les techniciens du CDDM pour ajouter mes observations de professionnel à leur travail », conclut Cyril Pogu.